Essais

Adonis

Printemps arabes

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photo libraire

Chronique de Noémie Vérot

Librairie Rive gauche (Lyon)

« Les printemps arabes ne sont pas une révolution. C’est une rébellion, qu’on doit soutenir, mais tant que la société ne se transforme pas radicalement de l’intérieur, on ne peut pas appeler ce mouvement populaire une révolution. »

Adonis est considéré comme l’un des plus grands auteurs arabes vivants. Il a reçu le prestigieux prix Goethe en 2011, comme avant lui Pina Bausch, Hermann Hesse ou encore Amos Oz. Il a écrit de nombreux recueils de poèmes et une dizaine d’essais. D’origine syrienne et de nationalité libanaise, il a 81 ans et vit en France. Connu pour être de gauche, profondément laïc et engagé dans la révolte syrienne, il n’hésite pourtant pas à critiquer celle-ci vivement – comme en témoigne sa « Lettre ouverte » au président Bachar el-Assad, où il se demande « pourquoi les arabes n’ont pas réussi, depuis quinze siècles, à fonder des démocraties, […] des sociétés dont la norme serait l’égalité entre les individus, et non l’appartenance ethnique et tribale, […] non la doctrine religieuse et la charia, mais les lois civiles ? » Selon lui, les jeunes Syriens en révolte ne bouleversent pas en profondeur la société arabe. Ils permettent simplement de remplacer le régime politique en place par un autre tout aussi rétrograde et totalitaire. Car tant qu’ils n’éradiquent pas le religieux du politique, la révolution est vouée à l’échec. Ce sont les courants religieux les mieux organisés (par exemple les Frères musulmans) qui se substituent au régime renversé en accaparant la révolution. Mais il ne sert à rien de faire la révolution si l’islam devient religion d’État, même si l’on parle « d’islam modéré ». Il faut qu’un Kurde, un chrétien, un chiite ou un Assyrien puisse aujourd’hui être président en Syrie. Il faut interdire le parti unique, favoriser l’émancipation des femmes et se libérer de la férule de l’Occident. La révolte doit commencer par l’égalité entre homme et femme, sinon la société sera « handicapée », dit-il encore.