Essais

Vincent Goulet

Médias : le peuple n’est pas condamné à TF1

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photo libraire

Chronique de Noémie Vérot

Librairie Rive gauche (Lyon)

Comment expliquer le paradoxe selon lequel les classes populaires préfèrent les médias commerciaux, contrôlés par les classes dirigeantes et véhiculant une idéologie de droite, et non les « médias de gauche » qui les aideraient à s’émanciper de conditions de vie souvent aliénantes ?

Selon Vincent Goulet, le peuple ne se reconnaît pas du tout dans les « médias de gauche », trop élitistes, menés par des journalistes aisés, centrés sur leur propre milieu social et déconnectés des préoccupations du peuple. Sans parler de leur ton doctrinal et professoral de bon élève, ou de leur vision idéalisée de la classe populaire. Le média populaire a pourtant existé dans l’histoire. Le sociologue parle de « média-meneur ». La radio lorraine Cœur d’Acier (LCA) est un exemple de radio locale engagée, proche du peuple et désirant avant tout lui donner la parole. Elle fut créée en 1978 dans la ville de Longwy par une population en lutte contre la fermeture de son usine. La radio s’est effectivement co-construite avec et par ses auditeurs, les deux journalistes-animateurs étant en retrait. En participant au média, (également sur le plan financier) l’auditeur participait du média. LCA a disparu depuis longtemps, mais cette station populaire reste aujourd’hui à inventer. Vincent Goulet propose d’élaborer une langue plus proche de la discussion à bâtons rompus, viscérale et non contrôlée, utilisant l’humour et la dérision. La publicité n’est pas à bannir, car les « bonnes affaires » sont une préoccupation constante et légitime des petits budgets qui mettent en avant la valeur populaire de la « débrouillardise ». Le média populaire donne une visibilité au peuple de gauche et, surtout, une tribune pour s’affirmer et promouvoir ses valeurs. Il est enraciné dans un territoire concret, à l’inverse du média national. Le journaliste fait de la médiation et évite ainsi le piège de l’enfermement dans sa propre culture. C’est un travail de longue haleine, une « révolution lente » qui ne peut être aujourd’hui que « multimédia » et multi-supports.