Essais

Judith Perrignon

Notre guerre civile

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photo libraire

Chronique de Nathalie Jakobowicz

Librairie Le Phare (Paris)

À travers cette biographie de Louise Michel au plus près des sources historiques, Judith Perrignon nous offre le portrait sensible d'une militante féministe et anarchiste, mais aussi en creux l’histoire d'une époque habitée par le feu de la lutte sociale et des combats au nom de la Révolution !

Journaliste, essayiste et romancière, Judith Perrignon adapte en livre son passionnant portrait documentaire de Louise Michel, réalisé pour l’émission Grandes Traversées diffusée sur France Culture. Dans les pas de celle qu’elle nomme « la femme tempête », elle nous fait redécouvrir la vie de l’icône révolutionnaire à travers un véritable voyage au sein des archives du XIXe siècle. Des rapports de la Préfecture de police ou des lettres et poèmes, parfois cités dans leur intégralité, ponctuent son récit dans une transmission émouvante qui rend la parole aux acteurs et actrices de l’époque. De son enfance à sa déportation en passant par son implication dans la Commune, l’autrice choisit de sonder l’existence de celle qui vécut toute sa vie au nom de la Révolution sociale. Surveillée continuellement par les organes de police, arrêtée et détenue à plusieurs reprises, Louise Michel ne cessera d'inquiéter les pouvoirs publics en consacrant sa vie à faire entendre le cri des travailleurs et des femmes. « Sa colère est son oxygène », écrit l’autrice. Ce récit nous montre à quel point elle incarne alors toutes les femmes dangereuses de son époque : Nathalie Lemel, Élisabeth Dmitrieff, André Léo... C’est donc aussi l’occasion de mettre en lumière leurs actions au cours d’un siècle qui ne cessa de les invisibiliser (comme la création des brigades féminines pendant la Commune ou des journaux fondés par des femmes). Sur sa déportation en Nouvelle-Calédonie, Judith Perrignon raconte ses conditions de détention, ses liens avec les Kanaks mais elle évoque aussi ses textes écrits au pays des cyclones et la force de ses amitiés. Ces relations amicales joueront un rôle fondamental tout au long de sa vie (avec le journaliste Henri Rochefort ou l’ouvrière relieuse Nathalie Lemel). L’autrice convoque régulièrement les précieux travaux des historiennes, notamment ceux de Michelle Perrot, Michèle Riot-Sarcey ou Odile Krakovitch, qui contribuèrent à faire entendre les voix de ces femmes du XIXe siècle, longtemps oubliées. Grâce aux archives carcérales, aux nombreux poèmes, lettres de jeunesse ou à la correspondance avec Victor Hugo, cet ouvrage fait la lumière aussi bien sur la surveillance continuelle que sur les émotions et aspirations les plus intimes de la révolutionnaire. En effet, il ne faut pas oublier que « c’est surtout la poésie qui a poussé cette fille illégitime vers la Révolution ». Par ce travail minutieux de recherche historique, Judith Perrignon parvient ainsi à atteindre son but : « rendre [à Louise Michel] ce que le mythe lui vole » !