Polar

Michel Bussi

Les Assassins de l'aube

✒ Christelle Le Botlan

(Librairie Un livre sur l'étagère, Châteaubourg)

Dans Les Assassins de l’aube, Michel Bussi, l’auteur-géographe rouennais, transpose son art du twist en Guadeloupe et renoue ainsi avec son goût pour les îles lointaines, pour notre plus grand plaisir !

Grande-Terre, Le Gosier, la Soufrière, Grand-cul-de-sac-marin… autant de lieux qui convoquent des images paradisiaques, de soleil, d’eaux translucides et de couleurs chatoyantes. Pourtant, pour l’équipe de Valéric Kancel, c’est bien d’un cauchemar qu’il s’agit. Un, puis deux puis trois corps harponnés en plein cœur sont curieusement mis en scène sur des lieux de mémoire fortement symboliques pour l’île au passé esclavagiste. Les victimes apparaissent sans lien entre elles et de surcroît étrangères à l’île. Il n’en faut pas plus pour que les esprits s'échauffent, attisés par des articles de presse cinglants. Les ronds-points se remplissent de manifestants et affolent le sous-préfet Valentin Lecocu, déjà peu acclimaté aux particularismes de l’île. Épaulé par son adjointe, Marjolène Dos Santos, et le capitaine de la DZPJ, Amiel Ouassou, le commandant Kancel, chabin de retour sur sa terre natale, est sommé de résoudre l’affaire fissa pour ramener le calme. Autour de ce suspens central gravite une myriade de thématiques sociétales, politiques et historiques nous offrant un regard riche et multiple sur ce petit bout de terre des Antilles. Tour à tour, s’égrènent les questions autour de la colonisation, de l’esclavage, de la persistance des croyances, des traditions pour le meilleur comme pour le pire, mais aussi des causes plus universelles comme l’homophobie, les violences faites aux femmes, la solidarité ou le pardon, sous le haut patronage d’Aimé Césaire et son poème Nouvelle Bonté. Le romancier n’a enfin pu retenir quelques coups de griffes au monde économique, décrivant les appétits immobiliers et le sur-tourisme comme autant de formes d’exploitations modernes. L’écriture efficace de Michel Bussi fonctionne à plein régime et réussit le pari de nous dépayser, nous divertir et nous cultiver.

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