Littérature française

Patrice Jean

La Vie des spectres

✒ Benoît Lacoste

(Librairie Aux feuilles volantes, Saint-Paul-lès-Dax)

« Le livre, un divertissement ? Vraiment ? » Cette question est dans la bouche ou plus exactement la plume du narrateur de La Vie des spectres. Patrice Jean y dissèque avec mélancolie notre monde contemporain.

Jean Dulac est marié avec Doriane. Ils vivent à Nantes avec leur fils Simon. Journaliste pigiste, il rédige des chroniques pour Arts&Spectacles, un magazine nantais. « Sans le recours aux fables et aux minuscules tromperies, la vie en société deviendrait impossible, un genre de fondrière où nous ne cesserions de nous enliser. » Jean Dulac est également un écrivain. Après un premier roman désormais introuvable, il tente d’en écrire un deuxième : Les Fantoches. Mais il est désabusé : il ne comprend plus le monde dans lequel il vit. Il ne comprend plus les siens, ni sa femme, ni son fils. Il quitte le domicile familial, divorce. Il se réfugie dans le petit appartement de son adolescence où il discute avec un mort. Philosophe à ses heures et grand amateur de littérature, Jean dispose d’une vision très pessimiste, lui le militant communiste qui a déchiré sa carte, aux idées récalcitrantes, aux avis tranchés et grinçants, aux propos sarcastiques et acerbes.  « Quand la critique de l’abêtissement passe pour une facilité réactionnaire, le capital a définitivement gagné la partie, d’autant que les révolutionnaires d’aujourd’hui, loin de me rejoindre sur ce point, se complaisent dans le rejet de ce qu’ils appellent une culture bourgeoise, ou une culture patriarcale, ou même une culture blanche. » L’écriture est ironique, urticante, humoristique, littéraire. Indéniablement bien écrit, La Vie des spectres ne peut laisser de marbre tant le propos est audacieux, les analyses fines et intelligentes. « J’écris le genre de choses que j’aime lire ; je m’expérimente, je joue avec des sensations, avec des idées ; si jamais des lecteurs s’intéressaient à ça, j’en serais ravi mais ce serait un pur hasard, presque un miracle. » Point de hasard, Patrice Jean mérite d’être lu et La Vie des spectres garantit un excellent moment de lecture.

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