Polar
Horacio Castellanos Moya
La Servante et le catcheur
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Horacio Castellanos Moya
La Servante et le catcheur
Traduit de l’espagnol (Salvador) par René Solis
Métailié
17/01/2015
240 pages, 18 €
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Chronique de
Emilie Pautus
Librairie La Manœuvre (Paris) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Nadège Badina de Le Square (Grenoble)
- Thomas Auxerre de L'Amandier (Puteaux)
- Marion Pinvin de Sauramps Comédie (Montpellier)
- Emilie Pautus de La Manœuvre (Paris)
- Evelyne Levallois
✒ Emilie Pautus
(Librairie La Manœuvre, Paris)
Écrivain engagé et virulent, Horacio Castellanos Moya n’a peur ni des mots, ni de la réalité cruelle et dégueulasse qu’il est pourtant plus sage de taire au Salvador. En mettant en scène un ancien catcheur putréfié par la maladie, il dénonce encore une fois un gouvernement salvadorien pourri jusqu’à l’os.
Journaliste et écrivain salvadorien, Horacio Castellanos Moya a l’art de déplaire. Ses articles parus dans les journaux d’opposition l’obligent à interrompre ses études en 1979 et à s’exiler au Canada, au Costa Rica puis au Mexique. De retour au Salvador pendant la guerre civile, il travaille pour une agence de presse liée à la guérilla. La publication en 1997 de son premier roman, Le Dégoût (Les Allusifs 2003), long monologue d’une grande violence et d’une noirceur jubilatoire sur la soumission du Salvador aux États-Unis, lui vaut des menaces de mort et le condamne à nouveau à l’exil. Dans cette vie d’errance, Horacio Castellanos Moya n’a jamais abandonné sa guerre et continue de publier des romans qui dénoncent la dictature, tels Déraison ou L’Homme en arme, tous deux publiés aux Allusifs. Pour la première fois dans le catalogue des éditions Métailié, il revient avec un roman brut et engagé qui démontre que la lutte continue, encore et toujours. Le Viking, ancien catcheur professionnel qui a connu son moment de gloire, s’est rangé du côté des militaires. Grâce à son expérience et à sa carrure, il fait rapidement ses preuves lors des interrogatoires musclés. Mais le Viking est malade. Son corps, en état de décomposition, se vide. Il vomit de la bile infecte et traîne derrière lui une odeur putride. Le Viking n’est plus bon à rien mais s’accroche et prend part, malgré tout, à l’enlèvement d’un jeune couple fraîchement rentré des États-Unis et soupçonné d’appartenir à la rébellion. De son côté, Maria-Elena, femme de ménage, mène une vie paisible, loin des remous politiques, avec sa fille Belka, médecin à l’hôpital, et son petit-fils Joselito, encore étudiant. Lorsqu’elle apprend que le petit-fils de Don Periclès qu’elle a servi toute sa vie a été enlevé par les militaires, elle se rappelle les années passées et cet ancien catcheur qui désirait l’épouser. Elle se met alors en tête de le retrouver, manière pour elle de venir en aide à la famille qui lui a permis de vivre. À la recherche du Viking, Maria-Elena pose trop de questions dans une société où le silence est le meilleur garant de sa sécurité personnelle. Elle se trouve prise au piège dans la guerre que se mènent les militaires et les subversifs, le jour où elle reconnaît son petit-fils parmi les rebelles. Le Viking, à l’article de la mort, pourra-t-il encore l’aider ? Dans un Salvador gangrené par la corruption et dirigé par des militaires sanguinaires, le jeu entre la police et le peuple, à l’instar d’un match de catch, est truqué d’avance. Alors que les militaires obéissent sans scrupules aux ordres, la population, tétanisée par la peur, se tait et consent, ne laissant qu’un infime espoir à ceux qui luttent afin de changer le système. Parfois violent, souvent sale, le roman d’Horacio Castellanos Moya dérange et interpelle. En dénonçant l’ignominie du gouvernement salvadorien et l’horreur de la dictature, cet auteur courageux fait voler en éclats la loi du silence. Et la littérature devient acte de résistance.