Bande dessinée

Zanzim

Grand Petit Homme

SF

✒ Sylvain Féry

(Librairie Quantin, Lunéville)

Comment être un grand homme quand on est complexé par sa petite taille et qu'on chérit les femmes ? Avec sa sensibilité habituelle, Zanzim dresse le portrait d'un petit homme ordinaire qui deviendra un héros à sa façon, en semant des éléments de merveilleux dans un Paris nostalgique des années 1960.

Stanislas Rétif est un homme timide et réservé. Fétichiste des pieds des femmes, il est, pour son bonheur, vendeur dans un grand magasin de chaussures parisien et tombe en pâmoison devant les belles clientes qui le regardent de haut, tandis qu’il se sent humilié par ses séduisantes collègues. Par contre, il est incapable de voir les regards enamourés de sa charmante voisine fleuriste. Au fond de la réserve de sa boutique, une paire de bottines magiques va faire basculer son destin. Bien qu’il soit désireux de devenir « un grand homme », l'objet magique va au contraire le réduire en un homoncule d'une dizaine de centimètres. Ce nouvel état va lui permettre de jouer les voyeurs, jusqu'à ce qu'il tombe dans son propre piège. Jouet du destin, il passera de main en main, jusqu'à trouver l'amour de façon inattendue et la possibilité de devenir un grand homme à sa façon. Après L'Île aux femmes, qui racontait déjà l'histoire d'un homme au milieu d'un monde de femmes, Zanzim revient comme auteur avec Grand Petit Homme. Prenant à contre-pied les codes du conte de fées, entre Tom Pouce et Aladin, il fait subir à son héros des mésaventures rocambolesques qui le feront grandir malgré sa petite taille. Si le scénario n'a pas la portée dramatique de ceux de son regretté comparse Hubert (Peau d'homme, Ma Vie posthume), l'auteur retrouve ici avec gourmandise des thèmes qui lui sont chers : l'homme nu dans un univers féminin, les fantasmes et le fétichisme. Mais loin de tomber dans le scabreux, Zanzim nous raconte une histoire pleine d'humour et de dérision. Les onomatopées utilisées sont particulièrement drôles, comme les miaulements du chat de Stanislas, tous différents d'une case à l'autre, plaçant l'auteur dans les pas d'un André Franquin, expert en la matière. Le ton passe de la fable fantastique à l'histoire d'amour impossible, les décors aux couleurs pastel sont délicieusement rétro, faisant de cet album un bonbon qui se déguste longuement. Il y a du Jacques Demy dans les silhouettes élancées des personnages féminins et l'élégance de Stanislas. Pour camper ce personnage, le dessinateur a d'ailleurs puisé l'inspiration dans le physique de ses propres héros et lui a donné des traits empruntés à Dustin Hoffman et François Truffaut. Avec Grand Petit Homme, Zanzim nous montre une fois encore son talent de conteur et nous embarque avec joie dans son univers merveilleux jusqu'à un épilogue doux-amer. Et on referme le livre avec l'envie d'y rester un peu plus longtemps encore.

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