Littérature française

Lucile Bordes

86, année blanche

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photo libraire

Chronique de Stéphanie Banon

Librairie Charlemagne (La Seyne-sur-Mer)

Printemps 1986. Lucie, Ioula et Ludmila racontent leurs fins du monde. Là-bas, la catastrophe de Tchernobyl. Ici, plus près de nous, la fermeture des chantiers navals de la Seyne-sur-mer. Avec ce troisième roman, Lucile Bordes va à l’essentiel, nous touchant au cœur.

Ludmila et Ioula sont soviétiques. Ludmila vit avec son mari et sa fille à Pripiat, ville nouvelle construite à trois kilomètres de la centrale nucléaire. Son mari Vassil sera l’un des premiers « liquidateurs » envoyés sur les lieux de l’incendie. Il décédera quatorze jours plus tard. Ludmila, à son chevet jusqu’au bout, voit son monde s’écrouler. Comment se reconstruire lorsqu’on perd tous ses repères, lorsqu’une société en laquelle on a toujours cru s’écroule ? Ioula vit à Kiev. La catastrophe contraint son amant français à retourner chez lui, et Petro, son mari, se porte volontaire pour Tchernobyl. Lui aussi mourra des suites des irradiations reçues. Cependant, la vie continue. Ioula doit s’occuper de sa fille. Son instinct lui dit de l’emmener loin de la tragédie, alors que le gouvernement, en qui elle doit avoir confiance, ne dit rien. Le silence… c’est lui que Lucie ressent avec le plus de force. Le silence des chantiers qui rythmaient la vie de la ville, le quotidien de son père, ouvrier. Le silence des autorités sur cette catastrophe à la fois lointaine et si proche. À travers ces événements, Lucie vit la fin d’un monde et le début de sa vie d’adulte. Dans ce magnifique roman, les voix s’entremêlent et se répondent. Les mots sont justes, choisis avec précision. 86, année blanche est un livre rempli d’amour et de vie. Un livre qui nous rappelle que de grandes catastrophes peuvent en cacher de petites. Un livre pour ne pas oublier.