François Pieretti

Saltimbanques

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photo libraire

Chronique de Christophe Gilquin

Librairie L'Atelier (Paris)

Avec Saltimbanques, François Pieretti nous emmène aux côtés de Nathan, un trentenaire paumé vivotant à Paris, qui tente de faire le deuil de son petit frère Gabriel, resté pour lui un inconnu. Il signe un premier roman entre ombre et lumière d’une étonnante maturité.

De son petit frère Gabriel, Nathan n’a que peu de souvenirs. S’il peut le revoir enfant, il ne l’aura jamais vu véritablement grandir ni devenir un homme. Parti très tôt du domicile familial en raison d’un conflit perpétuel avec son père, quittant son Sud-Ouest natal pour la capitale, Nathan a, par la force des choses, rompu tout lien avec son cadet. Si bien que lors de ses rares visites, Gabriel l’évitait et les deux frères ne se sont plus jamais adressé la parole. Un silence désormais irrémédiable puisque le jeune homme, qui venait de passer son bac, n’est plus : une nuit d’ivresse lui a coûté la vie. En quête d’un être à pleurer, Nathan, de retour chez ses parents, va tenter d’approcher les compagnons de route de Gabriel, une troupe de jeunes circassiens qu’il a remarqués aux obsèques. Grâce à Bastien, un grand gaillard qui semble faire figure de meneur, il réussit peu à peu à s’intégrer à la bande des « enfants perdus », comme ils aiment à se nommer, au point de s’engager à les accompagner dans leur tournée des fêtes médiévales des villages alentours. Au fur et à mesure, il comprend la place qu’occupait son frère parmi ces acrobates, jongleurs et cracheurs de feu, et dont la disparition met en péril le fragile équilibre qui les unit. Mais c’est surtout la belle et frêle Appoline qui va finir par occuper toutes ses pensées. La jeune gymnaste a l’art de capter les regards et de faire tourner les têtes, et Nathan va s’en amouracher furieusement, éperdument. Puis viendra le temps de poursuivre sa route. Au fil de ses errances qui le mèneront sur la côte bretonne (le fantasme de la Bretagne), Nathan recueillera un chien (et les puces qui vont avec, il l’apprendra plus tard) et partagera les derniers jours d’un vieux technicien de phare atteint de la maladie d’’Alzheimer. Ainsi suit-on, sous la plume de François Pieretti, le périple de ce vagabond du xxie siècle, sans but, sans port et sans attaches, mais riche des rencontres qui jalonnent son chemin. Le jeune primo-romancier nous emporte d’autant plus grâce au rythme et à la tonalité de son écriture, une douce petite musique aux accents mineurs, mélancoliques, dont on ne se départ pas. Et tout du long, il veille avec empathie et tendresse sur son héros solitaire et déconnecté du monde qu’il habite, l’aidant tantôt à marcher sur les pas de son frère disparu, tantôt à s’affranchir de son passé, à se tourner du côté des vivants, et ainsi à s’ouvrir, à grandir.