Polar

Jo Nesbø

Le Téléphone carnivore

✒ Aurélie Janssens

(Librairie Page et Plume, Limoges)

On connaît l'écrivain norvégien Jo Nesbø pour sa série de romans policiers mettant en scène l'inspecteur Harry Hole. Des thrillers nordiques efficaces et passionnants. Il nous offre ici un pas de côté surprenant.

En effet, s’il persiste dans le genre, Jo Nesbø explore, dans son nouveau roman, un autre recoin du noir, le noir bien sombre, celui qui fait frissonner, le roman d'horreur, d'épouvante, comme le montre cette couverture explicite. Il y aura du sang, des cris, des nuits de pleine lune, des meurtres ! Nous prenons la direction de Ballantyne, une petite ville entourée de forêts, qui semble figée hors du temps, où les enfants qui s'ennuient font parfois des bêtises. C'est le cas de Tom et Luke qui traînent près de la rivière, remontent la route, découvrent une cabine téléphonique au milieu de nulle part, décident de faire un canular téléphonique, choisissent un nom dans le bottin. Mais lorsque l'interlocuteur décroche, un phénomène aussi horrible qu'étrange se produit : Tom est aspiré, que dis-je, avalé, broyé, par le téléphone, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de lui. Bien entendu, lorsque Luke raconte les faits à ses parents et à la police, personne ne le croit, pensant à un accident : Tom est tombé ou a été poussé dans la rivière. Peu de temps après, envoyé dans un pensionnat, sorte de prison pour jeunes délinquants, le bruit du téléphone sonne à nouveau. Ne pouvant compter que sur lui-même et sur une amie, Karen, qui est bien la seule à le croire, Luke, va devoir enquêter sur ce mystérieux phénomène qui le mène jusqu'à une maison au milieu des bois où un drame se serait produit des années auparavant, impliquant un certain Imu Jonasson. Fait divers dont seule la bibliothécaire de la ville semble se souvenir. Le génie de Jo Nesbø dans ce livre, c'est qu'il ne nous raconte pas une mais trois histoires, emboîtées comme des poupées russes, jouant avec nos nerfs, nos certitudes, nos peurs. On sent le plaisir délicieusement régressif et machiavélique à s'emparer des codes du genre pour emmener le lecteur vers les territoires obscurs de l'horreur ; on pense à Stephen King, Dean Koontz ou encore Graham Masterton. Et comme le veut la formule consacrée : âmes sensibles, s'abstenir !

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