Les Infidèles

Alice Kleber est une femme forte, libre et indépendante, recluse dans une maison bourgeoise de la campagne bourguignonne. Elle y gère un site Internet qui fait fureur : lovalibi.com. Dans une société où le désir est devenu une valeur marchande, elle a décidé, un poil cynique, de se tailler une part du gâteau. Aidée par Lucien, son fidèle assistant, ils s’échinent à fournir à des amants illégitimes des scénarios en béton pour cacher leurs ébats : falsification de documents ou mises en scène théâtrales, tout est bon pour dissimuler la vérité. Si Alice n’a pas d’attaches, elle voue un amour sincère à sa nièce Salomé. C’est d’ailleurs par son intermédiaire que Salomé a trouvé une place de reporter pour la chaîne TV24. Fondée par le charismatique Alexandre Le Goff, la chaîne d’informations se nourrit de faits divers et abreuve l’audimat de sensationnel en continu, quitte à sacrifier le fond pour la forme. Pour se faire une place dans la rédaction, Salomé entreprend un reportage sur la sociologie de l’adultère. Mais tout tourne au cauchemar lorsque le cadavre de Salomé est retrouvé dans la poubelle d’un parc parisien proche de l’hôtel de la Licorne. D’ailleurs, pourquoi la jeune femme avait-elle réservé une chambre dans l’hôtel en question ? Était-elle en repérage pour son reportage ou avait-elle, elle aussi, des secrets à cacher ? Pour l’inspecteur Barnier, l’affaire est forcément liée à un adultère (un couple illégitime se sentant menacé par le reportage de la jeune femme) ou des dirigeants de plate-formes de rencontres comme celle de sa tante. Dans cet univers où le secret est d’or, les langues sont évidemment difficiles à délier. Si Barnier a toutes les difficultés à démêler le vrai du faux, il doit surtout faire face à ses propres troubles émotionnels. Alors que son couple se délite, l’arrivée du lieutenant Maze, son nouvel adjoint armé d’un calme imperturbable et d’un charme hypnotisant, fait remonter des désirs jusque-là enfouis ! Et à Dominique Sylvain de nous faire mesurer que l’adultère, qui demande d’exceller dans l’art de la tromperie et de la duplicité, épouse à merveille le genre policier ! Car c’est bien le mensonge, la véritable matière première du roman, le mensonge pour tromper son entourage mais aussi, et surtout, les mensonges que l’on se dit à soi-même. C’est dans cet équilibre instable que les personnages évoluent et, lorsque tout s’effrite et que la vérité commence à refaire surface, le chaos n’est pas loin. À travers un récit choral et une myriade de personnages bien campés, Dominique Sylvain se délecte à semer le trouble chez le lecteur. Comme à son habitude, elle maîtrise à merveille l’art du contre-pied. Bien malin celui qui ne se fait pas prendre dans ses filets.