Littérature étrangère

Omair Ahmad

Le Conteur

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photo libraire

Chronique de Léa Payen

Maison d'édition Dunod / Armand Colin (Malakoff Cedex)

Si vous aimez la langueur poétique, le dernier ouvrage d’Omair Ahmad, Le Conteur, est fait pour vous. Pas besoin de tapis volant, la magie des mots suffit à faire voyager au pays du Taj Mahal.

L’histoire débute en Inde, où un conteur doit fuir la région de New Dehli soumise aux attaques des guerriers afghans qui écument la région. Son exode le conduit au palais pachtoun où réside la Bégum, maîtresse des lieux. En échange de son hospitalité, celle-ci demande au conteur de lui narrer une histoire. Notre héros lui déclame alors le récit d’un amour trahi entre une femme et le louveteau qu’elle avait élevé. Cependant, le conteur ignore combien la Bégum elle-même maîtrise l’art de conter. À son tour, elle raconte une magnifique histoire d’amour. Au fil de ces va-et-vient entre les contes de l’un et de l’autre, les protagonistes se découvrent, se cherchent. Chaque joute verbale est une réponse au récit de l’autre protagoniste. Ce roman à plusieurs voix est structuré à la manière d’un conte. C’est ce qui lui donne sa beauté, c’est aussi ce qui peut dérouter le lecteur, qui ne sait finalement plus s’il est en train de lire un conte, justement, ou un roman classique. L’auteur transcende le réel et le temps, il instille à son écriture un rythme qui donne toute sa charpente et son originalité à ce petit livre étonnant, imprégné d’une ambiance merveilleuse, presque enfantine. Plongé dans l’Inde du milieu du XVIIIe siècle, le lecteur a le sentiment de se trouver propulsé en ces époques où régnaient des princesses orientales sorties des tableaux de Gérôme, où la lecture n’était que « luxe, calme et volupté ». La Bégum est une très belle femme, tempétueuse et puissante. Le conteur est quant à lui un artiste rêveur. À partir de ces deux personnalités magnifiquement brossées, l’auteur réalise un petit bijou littéraire tout en délicatesse. Il ouvre une réflexion sur l’amour et le désir, un beau roman initiatique et un magnifique conte philosophique, à l’image du Petit Prince. Même si le roman est court, l’histoire nous hante encore après avoir refermé le livre.