Bande dessinée

Seth

La Confrérie des cartoonist du Grand Nord

illustration

Chronique de Julie Uthurriborde

Librairie Montmartre (Paris)

Le Canada serait-il une pépinière méconnue d’illustrateurs ? Tel un mémorialiste de la BD canadienne, le dessinateur Seth rend compte, dans son nouvel opus, d’une histoire se développant entre fantasmes et réalité, et de personnages qui ont fait et font encore partie du paysage des comics du Grand Nord. 

Dans le monde rêvé de Seth, les cartoonists canadiens ont vécu un âge d’or pendant lequel leur participation à la vie publique était presque une nécessité : défilé annuel dans les rues de la ville, multiples prix et distinctions officielles… Comme des hommes faisant partie d’une élite, ils se sont organisés en confrérie dans un beau bâtiment où ils se retrouvaient entre eux pour disserter et digresser autour de leur art. Une sorte de club auquel nous aimerions tous participer pour être dans les petits secrets des salons enfumés, pour avoir son portrait sur un mur ou encore une veste verte marquant son appartenance sociale à un groupe admirable. Avec beaucoup de tendresse, Seth déroule ses cases, se mettant en scène dans l’ombre des murs de la confrérie, montrant à quel point la BD peut avoir de l’influence sur la vie des gens. Chaque détail de sa confrérie imaginaire est un nouveau moyen d’attirer le lecteur vers une fête passée, une série à succès, l’importance des paysages pour certains, ou l’inventivité d’autres pour leurs scénarii et leurs chutes. Nostalgique d’une époque révolue, il avoue à la fin de son opus avoir enjolivé quelques détails comme un héros de guerre voulant nous narrer ses exploits et montrer à quel point ce qu’il a fait est singulier et engagé. Véritable cliché d’une époque, cette BD est à posséder dans sa bibliothèque comme une sorte de Bible des dessinateurs nord-américains.
Ici encore, les sujets fétiches de Seth parcourent ces pages : une vraie fausse biographie qui met en avant l’amour du dessin humoristique. Sous le prétexte d’une visite guidée, le dessinateur égrène les anecdotes et reproduit certains comics-strip de confrères qu’il admire. Ne tombant ni dans la caricature ni dans le plagiat, Seth arrive à traduire, avec son trait rond et ses couleurs presque absentes, l’essence de ce qu’est un grand comics. Il a l’intelligence de mener le lecteur à l’essentiel sans entrer dans les termes techniques du trait ou du nombre précis de cases que doit comporter une BD ; ce qui lui importe, c’est le sujet et la narration de ces courts textes humoristiques. Ce parti pris montre bien son respect de la profession et de ses pairs, tout en faisant de cet album un véritable éloge du 9e art. À l’heure où les enfants retournent sur les bancs de l’école, Seth nous offre un livre d’histoire décalé sur lequel nous mériterions bien une interrogation surprise !