Beaux livres

Gisèle Freund , Gérard de Cortanze

Frida Kahlo par Gisèle Freund

illustration
photo libraire

Chronique de Claudine Courtais

()

Le musée de l’Orangerie à Paris consacre une grande exposition à la peintre Frida Kahlo et à son époux Diego Rivera. À cette occasion, les éditeurs font paraître plusieurs livres sur cette grande artiste à la peinture singulière et au destin tragique, trop longtemps restée dans l’ombre de son géant de mari.

Rien ne vaut une bonne biographie pour aborder la vie et l’œuvre d’un artiste. Celle qui s’intitule Frida Kahlo, la beauté terrible, écrite par Gérard de Cortanze et qui sort aux éditions Le Livre de Poche, en fait partie. Il nous y conte le destin à la fois fabuleux et tragique de cette immense peintre et icône mexicaine. Née en 1907, Frida Kahlo va toute jeune se trouver confrontée à la souffrance, tout d’abord par le sentiment d’abandon quand elle est confiée tout bébé à une nourrice, puis vers 7 ou 8 ans par la maladie, quand on lui diagnostique une poliomyélite qui lui vaudra le sobriquet de Frida pata de palo – « Frida patte de bois » – par ses petits camarades. Ces deux événements vont forger le caractère de Frida et la plonger ad vitam dans une quête d’amour non assouvie. Mais c’est le 17 septembre 1925 que son destin va réellement basculer quand l’autobus qui la ramène chez elle est percuté par un tramway. Dans l’effroyable collision, Frida se retrouve éjectée sur la chaussée, le corps transpercé par une barre métallique. À partir de cet instant, sa vie sera menée par la douleur physique, mais également par la peinture, formidable moyen d’expression et exutoire à sa souffrance. Bien qu’ils se soient déjà croisés en 1922, c’est en 1928, par l’intermédiaire de la photographe Nina Modotti, que Frida Kahlo et Diego Rivera se rencontrent réellement et commencent une relation tumultueuse et passionnée. N’hésitant pas à citer des biographies déjà publiées ainsi que des entretiens, ou la correspondance et le journal de Frida Kahlo, Gérard de Cortanze livre un ouvrage engagé dans lequel il ne manque pas d’analyser les tableaux de l’artiste à travers les différents événements qui ont émaillé sa vie. C’est par le biais d’un long monologue que Pino Cacucci, auteur italien partageant sa vie entre son pays natal et le Mexique, nous invite à pénétrer dans l’univers de Frida. Viva la vida !, publié chez Christian Bourgois, est certainement un des livres les plus émouvants sur cette femme. Rédigé au départ comme un scénario à quatre personnages accompagné musicalement et devant être monté au théâtre, cette pièce ne verra jamais le jour. Ne pouvant se résoudre à abandonner complètement son projet, Pino Cacucci a retravaillé son texte à la première personne. En offrant une voix à cette passionnée au destin chaotique, il nous propulse dans un incroyable face à face. On touche là à l’intime tant l’écriture poétique de Cacucci nous rend proche de Frida Kahlo. Les éditions Albin Michel profitent quant à elles de cette exposition (Musée de l’Orangerie, jusqu’au 13 janvier 2014) pour éditer un joli petit album de photographies de Gisèle Freund et consacrées à Frida Kahlo. Gisèle Freund est une des plus grandes portraitistes de l’intelligentsia française et du monde des arts du xxe siècle. En 1950, lors d’un voyage au Mexique, elle fait la connaissance de Diego et Frida. Elle devient aussitôt une amie du couple et les photographie régulièrement dans leur intimité tout au long de son séjour. Présenté successivement par Gérard de Cortanze et Lorraine Audric, chercheuse à l’IMEC et spécialiste de l’œuvre de Gisèle Freund, ce livre, éclairé par des textes de la photographe, nous donne une image vivante et touchante de l’artiste mexicaine dans son univers. Puisque toutes ces publications se font en parallèle d’une exposition, le catalogue qui l’accompagne, publié aux éditions Hazan, est l’occasion de découvrir ou redécouvrir l’œuvre picturale de Frida et Diego. Organisée dans le cadre d’un échange entre le musée de l’Orangerie à Paris et le Museo Dolores Olmedo au Mexique, cette exposition présente une quarantaine de tableaux de Frida Kahlo et une trentaine de Diego Rivera. Découpée en différentes parties traitant de l’œuvre des deux peintres, de leur vie personnelle comme de leurs engagements politiques, l’exposition propose également un regard sur l’héritage de Frida Kahlo, tout d’abord à travers des œuvres d’artistes mexicains qui à partir des années 1980 ont fortement été influencées par leur aînée, puis par le phénomène « Fridamania » qui, à la même époque, propulse Frida Kahlo en icône féministe, homosexuelle et chicano, enfin, à partir des années 2000, en icône commerciale. Aux chanceux qui pourront assister à l’exposition, comme à ceux qui ne pourront s’y rendre, cette petite bibliographie est une excellente entrée en matière à qui veut découvrir Frida Kahlo ou approfondir ses connaissances sur celle qui fut une des plus grandes artistes du xxe siècle.