Jeunesse

Émilie Chazerand

Annie et les Barjorettes

L'entretien par Caroline Ménoury

Librairie Coiffard (Nantes)

Après les merveilleux Falalalala et La Fourmi rouge (Sarbacane), Émilie Chazerand revient avec un nouveau roman plein d’humour et de sensibilité. Cette fois-ci, l’autrice donne voix à trois adolescents, deux sœurs et un frère, qui vont nous raconter leur quotidien dans une famille haute en couleur.

Pouvez-vous nous raconter Annie au milieu ? Comment est née cette histoire ?

Émilie Chazerand - Annie au milieu, c’est l’histoire d’une jeune fille trisomique très heureuse, qui adore sa famille, Dalida et les majorettes. D’ailleurs, elle doit participer à un défilé dans sa ville, bientôt. Sauf qu’elle va se faire jeter de l’événement parce qu’on estime qu’elle fait tache. Pour éviter qu’elle ait le cœur brisé, sa famille décide, avec plus ou moins d’enthousiasme, de constituer une équipe de majorettes, autour d’elle et pour elle. Je ne sais pas trop comment est arrivée l’idée de ce livre. En réalité, il est l’accumulation d’un tas de choses que j’aime, qui me touchent, m’amusent ou me surprennent. Je commence souvent mes projets comme si je cuisinais un plat : en me demandant « bon, qu’est-ce que j’ai envie de mettre là-dedans ? ». Et puis, je suis la première à clamer haut et fort que je donnerais ma vie pour mes enfants. Admettons que ce soit vrai : est-ce que je défilerais en majorette pour eux ? Rien n’est moins sûr.

 

C’est un roman drôle, plein de douceur, avec des personnages très attachants. Comment les avez-vous développés ? Le style du roman choral vous y a-t-il aidé ?

É. C. - J’aime énormément le concept du roman choral : donner une voix à tous, comme on devrait le faire dans la vraie vie, en somme. Je ne voulais pas qu’Annie soit l’unique héroïne. Velma et Harold, sa sœur et son frère, comptent autant qu’elle. Je tenais à ce que chacun s’exprime à son tour, dans un style qui lui ressemble : les chapitres de Velma sont assez poétiques, par exemple. J’ai voulu les rendre très identifiables, uniques. Et puis, la famille est mon obsession, je crois. Comment se construire une identité propre et individuelle au sein d’un groupe qu’on n’a, a priori, pas choisi. Quelle place on nous donne, quelle place on prend, quelle place on veut. C’est très complexe, une famille. C’est notre premier monde, avant le vrai, le grand. Et plus cette première sphère dysfonctionne, plus elle crie, s’accroche et s’agite, plus ça m’intéresse.

 

Ce roman, ce n’est pas uniquement l’histoire d’Annie. C’est celle d’une famille avec ses non-dits et ses fragilités. Quel message transmet cette famille ?

É. C. - Je ne sais pas s’il y a un message dans tout ça. Mais ce que dit la grand-mère, Marie-Claire, résume assez bien l’idée globale du livre : « la famille, c’est un gilet pare-balles ». On n’est pas obligé de se ressembler, de se comprendre parfaitement et de s’entendre sur tout. Mais parfois, il faut mettre de côté les petites rancunes et les griefs de tout poil pour faire front commun. Et penser en termes de « nous » à la place de « je ». Même si ça ne dure que le temps d’une chanson d’Orelsan. C’est comme ça qu’on sait que l’on s’aime et qu’on fait famille.

 

À propos du livre

Émilie Chazerand nous embarque dans une histoire de famille comme elle sait si bien les écrire. Sa recette : un chouia de mal-être, une pointe de « différence », une bonne dose de secrets et surtout, une marmite d’humour et d’amour. C’est un roman qui fait du bien, que l’on ferme à regret tant on voudrait qu’il ne s’arrête jamais. Ce sont des personnages forts, sensibles, drôles que l’on adore instantanément. C’est ce genre de lecture qui nous fait monter les larmes aux yeux pour ensuite nous faire éclater de rire. C’est ce genre de lecture qui nous remplit d’amour et nous ramollit le cœur. Basique, simple.