Littérature française

Jean-Marie Laclavetine

Une amie de la famille

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Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

Jean-Marie Laclavetine révèle « une amie de la famille », sa sœur décédée en 1968, et la rend plus que vive par les souvenirs et les mots, d’aujourd’hui et d’hier. Une enquête intime et familiale d’une infinie justesse.

Le 1er novembre 1968, durant une promenade sur les rochers qui surplombent la Chambre d’Amour à Biarritz, la sœur aînée de Jean-Marie Laclavetine a été emportée par une vague. Elle avait 20 ans, lui 15. Il aura fallu un demi-siècle pour qu’il parvienne à évoquer ce jour et interroger le curieux silence qui a dès lors enseveli sa famille. « D’Annie, que reste-t-il ? Qui était-elle ? L’ai-je connue ? Ce grand trou de silence en moi, par qui est-il habité ? Cinquante ans plus tard, je me penche enfin au bord du puits noir, mais aucune vérité n’en sort. Le silence a rongé celle qu’il était censé préserver.» Avant et pendant l’écriture de ce récit, il est parti à la recherche d’Annie : « La mission de la littérature est-elle seulement de dominer la douleur, de l’exprimer, de l’apaiser, de la soigner ? Certainement pas. J’écris ces lignes alors que la douleur n’est plus là. Annie est désormais une ombre familière et tranquille, elle a cessé de me hanter. » Dans ses rêves d’aujourd’hui, dans ses souvenirs d’adolescent et ceux des autres (ses frères après la mort des parents et grands-parents), dans les photos, les lettres, dans les échanges avec des amis d’antan (Lydie, sa meilleure amie, Gilles son fiancé, comme évaporé après le drame). Jean-Marie Laclavetine a su faire resurgir sa sœur intacte dans sa fougue, ses doutes, ses fragilités, ses enthousiasmes, ses joies et ses colères, telle une jeune femme d’aujourd’hui. Il nous convie à sa rencontre et à prendre part à cet élan de vie. Touchant et clairvoyant, il écrit : « Je ne crois pas à la vertu réparatrice de l’écriture. La littérature ne répare pas, elle rend possible une autre vie, elle permet aux flux vitaux confinés dans l’obscurité de recommencer à circuler, de passer d’un corps à l’autre, d’un cœur à l’autre. »

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