Littérature française

Michel Goujon

La Désobéissance d’Andreas Kuppler

illustration
photo libraire

Chronique de Aurélie Paschal

Pigiste ()

Michel Goujon traite dans son deuxième roman d’un pan intéressant de l’histoire de a montée du nazisme et de l’accession d’Hitler au pouvoir. Certaines personnes ont immédiatement rallié les idées défendues par Hitler, d’autres y ont résisté. Mais beaucoup ont dû s’interroger. Tel est le cas d’Andreas Kuppler.

Andreas est journaliste sportif pour un grand journal berlinois. Afin de pouvoir couvrir les Jeux olympiques de Garmisch-Partenkirchen, il est obligé de prendre sa carte au parti nazi. En effet, aucune accréditation n’est délivrée à ceux qui n’en sont pas adhérents. Mais Andreas n’est pas un partisan du nouvel ordre pour autant. De son côté, sa femme Magdalena sombre dans la dépression. À cette époque, procréer est presque un devoir pour les Allemandes, dont les plus méritantes, c’est-à-dire les femmes de quatre enfants et plus, sont récompensées par la Croix d’honneur de la mère allemande. Magdalena et Andreas ne parviennent pas à donner la vie. La stérilité de leur couple fragilise leur mariage. À la vue de ses compatriotes arborant fièrement leur décoration sur le revers de leur veste, Magdalena se sent vide et inutile. Son seul réconfort est Hitler, cet homme plein de force qui prône la renaissance de son pays, qui rassure et redonne leur dignité aux Allemands. Magdalena est allée jusqu’à lui consacrer un autel dans sa maison. Andreas, quant à lui, est la proie de constantes interrogations éthiques. Peut-on être nazi, mais juste un petit peu ? Il n’adhère pas à toutes les thèses nationales-socialistes, mais rester en dehors du parti risque de lui fermer trop de portes et de nuire à son travail de journaliste. En outre, cela finira peut-être par lui causer des ennuis dans sa vie quotidienne. Andreas ne peut s’empêcher de poser un regard critique sur le nazisme, même lorsque son épouse lui démontre que c’est bénéfique pour le pays : les Allemands peuvent désormais travailler, se loger et même partir en vacances. À Garmisch-Partenkirchen, Andreas côtoie des journalistes de toutes nationalités. Mais son erreur est de dîner avec des journalistes américains. Pire ! il danse avec une femme de la délégation, juive par-dessus le marché. Cette coupable négligence va lui causer de sérieux problèmes. Des accusations de « complot contre la sécurité du Reich » pèsent dorénavant sur lui. Il a eu la naïveté de croire que les Allemands présents aux Jeux olympiques, et de ce fait amener à fréquenter des étrangers, ne seraient pas étroitement surveillés par le régime. Andreas n’est pas au bout de ses peines. Après la clôture des Jeux, Garmisch-Partenkirchen retrouve sa torpeur de petite station de ski tranquille. Andreas, qui a prolongé son séjour avec quelques rares journalistes, se sent espionné par la Gestapo. Pourtant, en dépit du danger, il accepte de rencontrer un Américain qui aurait des confidences à lui faire. Andreas marche sur un terrain miné… À travers le personnage de Magdalena, Michel Goujon dénonce l’aveuglement d’une certaine catégorie de gens, qui ne s’intéressent pas à la politique, sont dépourvus de recul sur les événements et s’en remettent à des démagogues qui manipulent leurs sentiments afin de mieux les contrôler. Quant au personnage d’Andreas, il incarne la prise de conscience, le questionnement, l’inquiétude… cela se traduira-t-il aussi par le courage ?

Les autres chroniques du libraire