Ce pays n'est pas pour les faibles

L’histoire commence en 1921 avec Léopold, un homme sauvage qui martyrise ses chiens de traîneau et chasse de ses terres le moindre intrus, humain ou animal. Puis avec son fils Siméon en 1944, jeune homme pas assez dégourdi de ses mains pour survivre en pleine forêt, ce que son père l’oblige cependant à faire pour lui éviter la guerre. En 1984, Lyne souhaite se détacher de ses parents pour vivre la grande aventure, à ses dépens. En 2023, Tania, qui a trop subi sa vie, semble être prête à affronter le destin, enfin. Cela pourrait être la trame d’un roman de près de mille pages mais toute la puissance de ce récit réside justement dans son économie de mots. Quatre tableaux se succèdent autour d’un même lieu, une cabane de trappeur construite dans une forêt millénaire. Cette cabane qui sera le théâtre de quatre moments clés pour cette famille qui semble marcher contre le vent, un vent glacial comme on n’en trouve que dans les hautes latitudes. Cette famille qui se transmet une violence sourde, inconsciente, incapable de dire ce qu’elle est. Avec beaucoup de maîtrise et d’efficacité, Julien Gravelle nous livre une histoire familiale forte et poignante, ainsi qu’un thriller des grands espaces. On pourrait d’ailleurs croire que cet auteur est natif de ce Grand Nord canadien tant ses descriptions sont prégnantes et sensorielles. Justement, ce Franc-Comtois d’origine s’est jeté amoureusement dans une aventure hors du commun : s’établir sur ce territoire sauvage et grandiose de la forêt boréale, depuis maintenant vingt ans, devenir guide d’expédition en canot et en traîneau à chien et faire resurgir cette aventure naturelle et humaine hors du commun dans chacun de ses livres. Et son dernier roman en est le parfait exemple : Ce pays n’est pas pour les faibles et grand bien nous fasse !