Littérature étrangère

Tom Lanoye

Troisièmes noces

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photo libraire

Chronique de Arielle Pretot

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Des noces éloignées de tout romantisme, qui mettent en scène deux personnages liés malgré eux, ballottés dans un monde surveillé, intolérant et sans concessions. Tom Lanoye signe un très beau texte en clair-obscur.

Si, à cause de la difformité de son « organe nasal », Maarten Seebregs n’a jamais pu percer dans le cinéma en tant qu’acteur, il a néanmoins réussi à se voir confier la mission de trouver les décors naturels les plus propices aux tournages. Mais depuis quelques années, ce cinquantenaire n’exerce plus, peinant à se remettre du décès de l’amour de sa vie, Gaëtan. Pour unique décor à présent, sa maison, témoin des jours de la sombre dépression qu’il traverse. Lorsqu’il accepte, un peu malgré lui et surtout parce qu’il a besoin d’argent, d’épouser Tamara pour lui procurer des papiers, cette cohabitation le chahute et fait ressurgir une palette d’émotions qu’il pensait ne jamais plus ressentir. Et de fait, si cette femme forte, sensuelle et mystérieuse l’arrache à sa mélancolie, sa présence ravive aussi le passé et le souvenir de Gaëtan. Au fil du récit, ces deux altérités semblent pourtant faire front face aux contrôles anti-mariages blancs et au racisme ambiant… Dans une langue crue et poétique sans tabous, Tom Lanoye parvient à nous attacher à cet anti-héros qui choque parfois et attendrit souvent. L’humour y est aussi noir que la société décrite par l’auteur est violente… Un texte obscur, alors ? Tout porte à le croire : « Nous sommes au siècle de la mauvaise lumière. Ça semblait mieux aux siècles précédents, si on se fie à toutes les peintures. Mais ce n’est sans doute pas uniquement dû aux peintres, non ? C’est à cause de nous. Nous sommes des trous noirs itinérants. Nous avalons toute la belle lumière autour de nous et nous la détruisons. » Et pourtant, ce texte est précisément marqué par la présence de la lumière, par petites touches successives. Si Tom Lanoye est déjà un romancier, poète, scénariste et dramaturge reconnu auprès de ses compatriotes belges, ce roman prouve une fois encore que ses œuvres méritent d’être découvertes par un lectorat francophone bien plus large.

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