Essais

Patrick Radden Keefe

Ne dis rien

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photo libraire

Chronique de Roman Jourdy

Librairie L'Intranquille (Besançon)

1972, Belfast. Une femme est enlevée devant ses enfants. Trente ans plus tard, un corps est retrouvé sur une plage d’Irlande. Entre ces deux événements, 400 pages d’une enquête magistrale sur le conflit nord-irlandais.

 

C’est un mois de décembre glacial à Belfast-Ouest. On frappe à la porte de l’appartement de Jean McConville. Elle a 38 ans et élève seule ses enfants. Elle vient de sortir du bain ; des individus pénètrent chez elle. « Prends ton manteau », lui disent-ils avant de l’embarquer de force dans une camionnette. Jean McConville disparaît ce jour-là sans laisser de traces. Elle vient d’être enlevée par des membres de l’IRA (Armée républicaine irlandaise provisoire) et ne réapparaîtra jamais vivante. Ses enfants, devenus orphelins, passeront trente ans à l’attendre, à la chercher. Trois ans plus tôt, Dolours Price, 18 ans, participe en compagnie de sa sœur Marian à une marche non violente pour manifester contre les discriminations subies par les catholiques nord-irlandais. Elle conserve encore ce matin-là la conviction que la lutte armée n’est pas la bonne solution pour régler un problème politique. Lorsqu’un rideau de projectiles s’abat sur les manifestants, la laissant elle et ses camarades démunis, blessés et terrifiés, ses convictions se trouvent ébranlées. Elle deviendra quelques années plus tard un membre de premier plan de l’IRA et une figure charismatique de la lutte armée pour l’indépendance de l’Irlande du Nord. Ces deux portraits de femmes constituent la pierre angulaire de ce récit arborescent qui retrace trente années de «°Troubles ». Quatre années de recherches et des entretiens avec une centaine de personnes ont été nécessaires à la rédaction de ce remarquable thriller du réel. Patrick Radden Keefe, rédacteur au New Yorker, trouve le ton juste : une chronologie fluide et claire, un rythme soutenu. Attentif à l’individualité des protagonistes autant qu’au sens de leurs ambitions collectives, ce récit de journalisme narratif se lit comme un roman très noir, politique et social. Édifiant et bouleversant.