Littérature étrangère

John Boyne

Le Syndrome du canal carpien

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photo libraire

Chronique de Sébastien Almira

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Après les superbes Fureurs invisibles du cœur et Il n'est pire aveugle (JC Lattès et Le Livre de Poche), John Boyne continue de naviguer entre les genres avec son art jouissif du dialogue qui sert à la perfection cette satire des réseaux sociaux.

La famille Cleverley n'est pas une famille comme les autres. George, animateur phare à la BBC, se considère comme philanthrope et accessoirement « trésor national ». Beverley, autrice de romans sentimentaux à succès (écrits par une prête-plume), boursoufflée de préjugés, dotée d'un ego démesuré, se prend pour une intellectuelle injustement mésestimée. Nelson, leur aîné, porte des uniformes pour tenter de vaincre son manque de confiance, voire une légère forme d'autisme et une peur bleue du sexe féminin. Elizabeth, étrangement amoureuse d'un adepte de la décroissance et de l'humanitaire, aimerait ne rien faire d'autre qu'envoyer des tweets agressifs à la terre entière pour faire croître son nombre de followers. Et enfin Achille, 17 ans, que chaque membre de la famille traite d'idiot mais bien conscient d'être physiquement parfait, soutire de l'argent à des hommes de plus de 50 ans rencontrés sur internet. La famille Cleverley est une famille comme les autres. Pleine de secrets, de contradictions, d'amour et de discordes. Une famille qui cache ses différends dans du papier de soie. Mais à l'heure de la toute-puissance du smartphone, de notre omniprésence sur les réseaux sociaux, l'argent et les apparences ne suffiront pas à leur éviter le scandale. Entre la grossesse de la maîtresse de George, l'amant de Beverley qui saute sur tout ce qui bouge, les mensonges et les peurs de Nelson, la méchanceté gratuite d'Elizabeth et les rencontres d'Achille, la question est de savoir d'où viendra la polémique et avec quelle facilité la technologie la transformera en scandale. John Boyne nous montre encore une fois l'étendue de son talent pour rendre réels des personnages sans avoir besoin de les décrire. Je ne compte plus les scènes délicieuses où son art consommé du dialogue me faisait rire des pages entières, rendant la lecture de cette critique au vitriol de l'élite bourgeoise et des réseaux sociaux jouissive et addictive.