Littérature française
Clara Dupont-Monod
Le Roi disait que j’étais diable
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Clara Dupont-Monod
Le Roi disait que j’étais diable
Grasset
20/08/2014
240 pages, 18 €
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Chronique de
Patrice Vannier
Librairie Les Beaux Titres (Levallois-Perret) - ❤ Lu et conseillé par 19 libraire(s)
✒ Patrice Vannier
(Librairie Les Beaux Titres, Levallois-Perret)
Que ceux qui se disent : un livre sur le Moyen Âge ? Non merci, j’ai peur de m’ennuyer… se ravisent ! Ce roman, à la narration moderne et dynamique traversée de ces figures historiques qui font de merveilleux personnages romanesques, est pour fait pour eux.
Après La Folie du roi Marc (Grasset), qui revisitait la légende de Tristan et Iseut, et La Passion selon Juette (Le Livre de Poche), qui racontait l’histoire d’une femme moderne et féministe avant la lettre, Clara Dupont-Monod réinvestit le xiie siècle avec une autre figure féminine légendaire, Aliénor d’Aquitaine, épouse du roi Louis VII pendant une quinzaine d’années. Tout semble les opposer. Leurs caractères sont radicalement différents. Elle aime la guerre autant que la poésie et les champs de bataille ont pour elle la même grâce qu’une enluminure. La colère est pour elle une arme essentielle que l’on se doit de posséder et qui fait cruellement défaut à Louis. N’étant pas prédestiné à une carrière royale, il a suivi une formation ecclésiastique, son caractère en est marqué, ses décisions et positions politiques s’en ressentent. D’une nature plutôt pacifique, il est persuadé que la diplomatie peut tout résoudre. Leur mariage fut arrangé pour agrandir le royaume de France en rattachant à la couronne le vaste et riche duché d’Aquitaine, s’étendant de la Loire aux Pyrénées et de l’Auvergne à l’Atlantique. Louis VII tombe amoureux d’Aliénor dès leur première rencontre et fera tout pour se faire aimer d’elle. Il reniera ses convictions chrétiennes et ses idéaux, mènera des batailles et cautionnera des atrocités comme le massacre de milliers d’innocents à Vitry-en-Perthois, dont il ressortira laminé. Enfin, ils partiront à la tête d’une immense armée pour la seconde croisade, les menant de Jérusalem à la cuisante défaite du siège de Damas. Tous ces choix furent dictés par Louis dans l’espoir qu’Aliénor le regarde et l’admire, ce qui n’arrivera jamais. L’auteure, usant d’une écriture romanesque et faisant s’exprimer tour à tour ces deux héros, ne laisse pas une seconde de répit à ses lecteurs. Elle nous entraîne dans cette palpitante épopée de quinze ans. Mais la manière de Clara Dupont-Monod, c’est aussi une description amoureuse des paysages qui entourent Aliénor, de cette campagne natale moelleuse et douce qu’elle quitte avec déchirement, de ses échappées enjouées dans un Paris qui se décompose, jusqu’à la découverte d’un Orient sanglant, fastueux et parfumé. Clara Dupont-Monod raconte « son » Aliénor, et au fil de la lecture on partage ses doutes, ses espoirs, son ambition, son mépris des conventions et son amour pour la poésie des troubadours.