Polar

Louise Mey

La Deuxième Femme

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photo libraire

Chronique de Anne-Charlotte Bossard

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Remarquée pour sa plume et ses thématiques engagées dans ses trois précédents romans, Louise Mey signe cette fois, aux éditions du Masque, un thriller au suspense croissant, une lecture choc qui nous reste longtemps en mémoire.

Après une enfance sans amour, Sandrine a longtemps vécu seule, comme isolée des autres et du reste du monde dans son petit appartement. Elle ne se voit pas comme elle est réellement, elle se déteste «°dissimulée dans les vêtements, parce que c'est ce qu'on fait aux grosses vaches comme elle, grosse, grosse moche, tête de conne, tête de conne°». Aujourd'hui, dans leur maison, elle veille amoureusement sur «°l'homme qui pleure°» et Mathias son fils mutique – qu'elle appelle «°le petit°» – depuis que leur femme et mère a disparu lors de son jogging. Il pleure à la télévision qui retransmet la battue organisée pour retrouver son épouse. Pour notre personnage principal, un homme qui pleure ne peut pas faire de mal. Le jour où la première femme réapparaît, Sandrine a peur de perdre cette place qu'elle a attendue toute sa vie. Et quand la disparue commence à retrouver la mémoire des circonstances de sa disparition, le vernis des apparences parfaites craquelle. Monsieur Langlois prend de plus en plus la place de l'homme qui pleure. J'ai aimé la finesse avec laquelle l'auteur traite le sujet des violences faites aux femmes et l'emprise ressentie à travers le personnage de Sandrine. J'ai aussi aimé sa voix intérieure qui ponctue le roman et le mode de narration°: nous, lecteurs, avons l'impression de voir Sandrine, ses gestes, son environnement et avançons avec elle dans l'histoire à pas feutrés. Ce n'est pas une lecture tranquille, nous nous mettons à la place de Sandrine. Cette histoire nous glace, nous marque et on a envie de voir émerger quelque chose, une réalité où cet homme ne saurait pas tout, ne serait pas tout.

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