Littérature française

Jean Ray

La Croisière des ombres

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photo libraire

Chronique de Jérémy Robert

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Jean Ray est un maître du « réalisme panique », style qui le rapproche d’Edgar Allan Poe et Lovecraft. La Croisière des ombres est un recueil de récits fantastiques, un voyage avec la peur pour compagne.

Les nouvelles de Jean Ray ont cette particularité de mettre en alerte le lecteur. L’auteur ne se contente pas de décrire l’horreur ou la peur, il s’emploie à les faire ressentir. C’est ce qui frappe le plus dans ses textes, notamment avec La Croisière des ombres. Dans ce recueil, beaucoup de récits se concentrent sur les objets, miroirs des peurs et des sentiments. Jean Ray donne vie aux choses inanimées. Deux nouvelles se démarquent. Dans la première, « La Ruelle ténébreuse », nous suivons les pérégrinations d’un homme qui découvre une ruelle n’existant que pour lui seul. Il avance chaque jour un peu plus au « Bout de la rue », jusqu’à voir trois portes face à lui. Il se mettra à voler les objets trouvés dans ces pièces. Poussé par ses désirs, et comme très souvent dans les textes de Jean Ray, ses propres vices le rattraperont et apparaîtront sous des formes mystérieuses et sombres. La deuxième, qui est aussi à mon sens la plus réussie, est « Le Psautier de Mayence ». Le récit s’ouvre sur une scène pleine de joie, où le personnage retrouve la mer et sa beauté. Mais insidieusement, Jean Ray donne à son histoire une dimension fantastique où l’on retrouve cette imagination débordante, où se mêlent angoisse et noirceur. On pense à Lovecraft ; on pense aussi à certaines légendes de marin. Un monde effrayant et nouveau se dessine sous les yeux des personnages. Ce qui frappe, ce sont les réactions des protagonistes… si proches des nôtres.