Littérature étrangère

Esther Freud

La Bonne Étoile

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photo libraire

Chronique de Romain Cabane

Librairie des Danaïdes (Aix-les-Bains)

Dans un monde où nous jouons 
tous si facilement la comédie, 
c’est un plaisir de lire les tribulations 
de quelques comédiens de profession,
à qui l’on demande justement de 
ne pas « jouer ».



Tout le monde connaît les nombreuses désillusions qui attendent les jeunes Africains partis en Europe tenter leur chance sur les terrains de football. Dans le même registre, Esther Freud nous conte avec tendresse et vivacité les déboires d’un groupe de jeunes « théâtreux » londoniens. Nell est peu sûre d’elle, mais elle sait qu’elle est comédienne, Charlie est égoïste et jolie, Dan fait tourner les têtes... Ce sont eux que l’on suit principalement. Ils entreprennent tout d’abord une formation cruelle et compliquée qui nous donne l’impression que les enseignants cherchent à les dégouter de leur futur métier. Puis ils se trouvent livrés à eux-mêmes dans le monde du spectacle : c’est impitoyable. Ils sont promenés d’auditions en auditions et ce n’est pas toujours bien concluant. Les descriptions de ces scènes sont d’ailleurs stressantes et très bien vues. Parfois ils décrochent un rôle acceptable, parfois c’est sans intérêt ou ridicule et même dangereux, les autres fois il faut accepter des jobs dans la restauration rapide pour joindre les deux bouts. Dans ce labyrinthe, comment frapper à la bonne porte ? Le succès peut arriver, incidemment, alors les anciens élèves sont remarqués, une bonne critique tombe, une seconde... Puis s’ensuivent des mois de disette et de questionnements. Est-ce que mon agent croit en moi, est-il suffisamment implanté, va-t-il me rappeler, faut-il en changer ? Et ce metteur en scène, dois-je travailler avec lui, quelles retombées cela risque-t-il d’avoir ? Esther Freud est très renseignée sur le sujet, elle-même ayant suivi ce parcours du combattant, et elle sait s’en amuser, prendre de la distance, nous raconter les anecdotes et les à-côtés. Cette approche légère fait de La Bonne Étoile un récit très vivant, spontané et agréable à lire, un roman d’apprentissage nourri de portraits bien brossés qui sont de temps en temps à la limite de la caricature – parce que leurs modèles en sont elles-mêmes. Un livre qui n’aura assurément pas le temps de disparaître sous la pile de votre table de nuit !