Littérature française

Louise Browaeys

Fais battre ton tambour

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photo libraire

Chronique de Cécile Lemercier

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Poétique et révolutionnaire, ce roman serpente entre rêve et réalité. Louise Browaeys se joue des codes et des discours écologistes éculés et livre un véritable objet de réflexion pour s'éclipser en forêt ou non.

Dennis, Ciara et Inès vont échapper à leur quotidien et trouver refuge dans la nature. Collègues avant d’être complices, ils œuvrent au cœur d’une entreprise de conseil en management de l’écologie. Avec le temps et face à des clients ingrats, leurs convictions s’émoussent. Difficile de poursuivre la farce qu’est devenue leur vie professionnelle. Sans parler de leur patron Jean-François, un individu vicieux et tyrannique ! Dennis va disparaître le lendemain d’un séminaire. Cet événement va accentuer la nécessité de changement pour Ciara, en particulier. Cette absence devient le catalyseur d’une réaction qui va tout balayer sur son passage. Les préparatifs d’Inès et Ciara démarrent. Plus elles progressent et plus elles se sentent libres, affranchies, s’en remettent davantage à leur instinct. Le jour du départ, c’est une toute autre histoire qui commence : une enjambée vers la félicité et l’inconnu. En quittant la société, définissant de nouvelles limites et refusant toute compromission, ils parviennent à se fondre dans la nature. Dans ce texte exaltant, Louise Browaeys nous conte des personnages comme des tempêtes, leurs contours changeants, le tumulte qui les régit. D’ailleurs la forêt endosse aussi une personnalité, à la fois accueillante, fascinante et redoutable. Loin du cliché « nature, calme et liberté », ce roman survivaliste intrigue par sa forme plurielle. Observations fines, partage d’expériences, échos contemporains se mêlent à la narration et nous dévoilent de multiples pistes à parcourir. La finesse de ce récit interpelle, la réflexion autour du vivant semble tout à fait organique. Le plus délectable, c’est probablement la déconstruction audacieuse des outils de manipulation du discours. Lucide et ingénieux, ce roman balaye les poncifs du greenwashing.