Polar

Don Winslow

Cool

GA

✒ Georges Arnoult

(Librairie La Petite lumière, Paris)

À l’occasion de la sortie en salles de Savages, le Seuil publie Cool, genèse des aventures de Ben, Chon et « O ». Fidèle à la structure narrative qui a fait le succès de Savages, ce premier volet s’avère beaucoup plus complexe dans sa construction.

Nous retrouvons Ben, Chon et « O » sur la plage. Tandis que les deux premiers s’éclatent au beach-volley, la troisième reluque et inventorie les nanas susceptibles de leur plaire – si vous n’êtes pas encore au fait des mœurs de nos trois héros, il va falloir vous initier ! Ben et Chon décident de se lancer sérieusement dans le commerce de marijuana, la meilleure qui soit. Et comme ces charmants garçons sont supérieurement intelligents, ils parviennent très vite à engranger des bénéfices substantiels. Mais certains professionnels locaux ne voient pas la nouvelle concurrence d’un très bon œil. On n’est plus en 1967, au bon temps de la permissivité bénie ! Trente ans plus tôt, un jeune skateur du nom de John croise un surfeur bellâtre qui distribue des tacos gratis à tous ceux qui veulent en croquer. Ayant eu jusque-là l’habitude de les voler, John ne se fait pas prier et devient vite copain avec le mec. Qui fait acte de charité parce qu’il a beaucoup plus d’argent qu’il n’en a besoin pour vivre. On est en 1967. Au fur et à mesure que l’on progresse dans la double intrigue, dont les deux strates sont inexorablement liées, on se rend compte que l’auteur avait déjà Cool dans un coin de sa tête lorsqu’il écrivait Savages. Ainsi, bien que l’ordre de lecture importe peu, il est essentiel d’avoir lu le second pour bien comprendre le premier. Au-delà de cette formidable construction, Don Winslow brosse le portrait de quarante ans de société américaine, et les références pop-rock, d’une rare pertinence, cèdent peu à peu la place au descriptif acerbe des administrations Carter, puis Reagan, et de l’avènement du fric tout-puissant au fur et à mesure que les années 1970 deviennent les années 1980. Il ne faut donc pas se méprendre, Cool a beau être aussi déjanté que Savages, c’est aussi un livre sérieux qui parle sans concessions d’hommes ayant vendu leur âme et leurs idéaux pour s’enrichir à en crever. Mais si, de génération en génération, souvent les schémas se répètent, les rêves, eux, ne se marchandent pas toujours.

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