Essais

Geneviève Ferone , Jean-Didier Vincent

Bienvenue en Transhumanie

PM

✒ Pauline Murris

(Pigiste , )

Connaissez-vous la Transhumanie, terre de quête du post-humain ? L’homme-créature y devient créateur, travaille à la fabrication d’un humain « augmenté », immortel, infaillible. Plongée au cœur de ce laboratoire de la cyber-humanité.

La proposition du biologiste Jean-Didier Vincent et de la juriste Geneviève Ferone est vertigineuse, futuriste : relire de manière critique l’évolution du progrès humain comme préfiguration du post-humain. À la croisée des sciences, de la politique, du droit et de la philosophie, cet essai très documenté dresse un état des lieux complet et alarmant de l’état de nos sociétés humaines, traversées par le mouvement transhumaniste. « Les transhumanistes sont des idéologues visant au dépassement de l’espèce humaine, qu’ils considèrent comme imparfaite, par une cyber-humanité », expliquent les auteurs. L’« homme augmenté » serait le produit de notre course à la démesure et de l’avancée croissante des techno-sciences. Ironie acerbe, sens de la polémique, goût pour la provocation, les auteurs frôlent parfois le pessimisme apocalyptique (peur d’un post-humain déshumanisé) sans pour autant s’y fourvoyer. Incarnée dans de multiples avancées scientifiques et techniques (intelligence artificielle, brouette moléculaire, existence de cyborgs…), l’hybris humain semble avoir atteint un stade d’exacerbation qui pose la question de son châtiment ultime : la némésis. Mais les auteurs clament avec espoir : « Ce que nous avons fait, nous pouvons aussi le défaire ». La réflexion sur le « forçage technologique » (attendre de la science qu’elle répare ses erreurs) et ses implications politiques, sociales et éthiques, percutante, font frémir. Convoquant la responsabilité humaine, ce voyage en Transhumanie interroge la combinaison entre puissance du possible et contrôle du faire. En 1762 déjà, Rousseau écrivait dans l’Émile : « Tout dégénère entre les mains de l’homme. […] il bouleverse tout, il défigure tout, il aime la difformité, les monstres ; il ne veut rien tel que l’a fait la nature, pas même l’homme ». Données anthropologiques, ces ambitions transhumanistes semblent incontournables, à moins que l’avènement du post-humain ne les nie, du fait d’une perfection atteinte.

Les autres chroniques du libraire