Littérature française

Miguel Bonnefoy

Chasse au trésor

Entretien par Maria Ferragu

(Librairie Le Passeur de l'Isle, L'Isle-sur-la-Sorgue)

Un trésor disparu qui alimente tous les fantasmes, une plantation de canne à sucre dans les Caraïbes, des femmes puissantes aux caractères bien trempés, un chercheur d’or… et tellement plus encore ! Miguel Bonnefoy nous livre un deuxième roman très réussi, à la fois roman d’aventures, d’amour et conte mâtiné de réalisme magique !

Deuxième sélection du Prix Femina 2017

Deuxième sélection du Prix du Style 2017

 

PAGE — Comment vous est venue l’idée de ce nouveau roman ?
Miguel Bonnefoy — Sucre noir est né d’une rencontre, lors de la promotion du Voyage d’Octavio. La journaliste qui organise les soirées lectures et dégustations « Le verre et la plume » avait invité un auteur et un spécialiste en spiritueux, pour lire des extraits du livre en buvant du rhum ! Il s’agissait de voir s’il y avait des passerelles entre le parfum du rhum et le parfum des mots. Quand le spécialiste s’est mis à parler de son métier pendant la rencontre, j’ai été surpris de constater qu’il utilisait un langage qui était beaucoup plus proche de la poésie que de l’alcool et, en l’écoutant, je me souviens m’être dit : « comme j’aimerais un jour pouvoir écrire un livre qui ressemble à une bouteille de rhum ! ».

Miguel Bonnefoy, Sucre noir (Rivages) from PAGE des libraires on Vimeo.

 

P. — « Le jour se leva sur un navire naufragé planté sur la cime des arbres au milieu d’une forêt. » Dès cette première phrase, on retrouve toute la poésie et la magie de votre univers…
M. B. — Je voulais que la première scène soit marquante. Il s’agissait d’user d’un peu de magie pour être dans la continuité des auteurs latino-américains et de leur réalisme magique. Il fallait, à partir d’une image surréaliste – un bateau chargé d’un trésor apparaissant sur la cime des arbres –, montrer comment pouvaient découler, 200 pages plus tard, des conséquences naturelles à un événement magique.

P. — Cette quête du trésor va donc habiter tout le roman. Quel sens avez-vous voulu lui donner ?
M. B. — Quand j’étais petit, ma mère me racontait que son père lui disait d’arrêter d’étudier, d’aller dans les champs de cannes à sucre retourner la terre car il y avait sans doute des trésors de pirates enterrés là et qu’elle allait devenir riche ! Cette idée m’a toujours fasciné et je l’ai retrouvée souvent dans des livres d’auteurs vénézuéliens qui parlaient aussi de trésors cachés et qui représentaient une sorte d’analogie avec l’or noir, c’est-à-dire le pétrole. La plus grande tragédie du Venezuela est d’avoir découvert dans les années 1920 un gisement de pétrole qui a mis presque un demi-siècle à se tarir. C’est une des raisons pour lesquelles ce pays est dans une situation si délicate. Nous avons arrêté de produire et nous sommes mis à tout importer alors que nous sommes assis sur une terre très riche. On a fait du pétrole une rente. L’idée était de parler de cette réalité en passant par la parabole, par la fable. Pour cela, j’ai voulu faire le portrait d’une famille de maîtres rhumiers qui vivent de la canne à sucre et qui maintiennent, dans ses traditions profondes, ce travail de la terre. Dans mon roman, une légende dit qu’un trésor est enterré sous les champs de cannes à sucre et les explorateurs se succèdent pour retourner la terre au lieu de la travailler avec discipline et méthode. Mes personnages sont à l’image des habitants du Venezuela qui ne se sont pas rendu compte, pendant 100 ans, qu’ils avaient devant eux le vrai or qui était dans le labourage, la culture de la terre… et non pas à quelques pieds sous terre dans un coffre scellé !

P. — J’ai cru voir une sorte d’effet miroir entre les personnages de Serena et Severo. Mais finalement, y-a-t-il un personnage principal dans ce roman ?
M. B. — Je pense que le personnage principal, s’il fallait en trouver un, ce serait le Venezuela. Cela me semble important de pouvoir rendre hommage humblement à ceux qui sont restés là-bas, à ce pays qui a mauvaise presse, qui est boudé par l’Histoire, tout en montrant qu’il a un imaginaire, des traditions, alors que sont sans cesse pointés les mêmes clichés. Je pense que la vraie raison d’écrire le livre était de pouvoir parler de mon pays. Cependant, il fallait pour cela des structures narratives, des personnages. Donc oui, Severo et Serena sont peut-être le revers d’une même médaille. On le retrouve dans la sonorité phonétique mais également dans la toponymie, c’est-à-dire que l’une est sereine (Serena) et l’autre est sévère (Severo). Pour se rendre finalement compte que Serena est bien plus sévère que Severo qui est plus serein qu’elle ! Cette dualité permet de donner de la profondeur et du réalisme à ces personnages. Il faut également citer Eva Fuego, la molécule fondamentale du livre.

P. — Il y a toujours une dose de surnaturel dans vos livres. Les écrivains latino-américains considèrent-ils qu’il est indispensable à la construction d’un récit ?
M. B. — Je suis à l’aube de ma carrière d’écrivain. Je ne fais qu’apprendre à écrire. Tant d’autres livres sont à venir. On m’a pourtant souvent demandé si j’étais l’héritier de cette tradition du réalisme magique. Finalement, il faudrait se demander de qui ces auteurs sont les héritiers. La littérature latino-américaine n’a pas commencé avec le boum latino-américain mais bien avant. Et ses sources d’inspirations sont européennes. Quand on lit Cervantes, Pirandello, Gogol ou Boulgakov, on retrouve ce réalisme magique. Il n’est pas le privilège des auteurs latino-américains du XXe siècle : il faut rendre à César ce qui lui appartient !


Partez à la rencontre de l’auteur dans la librairie près de chez vous :

Mardi 12 septembre, Librairie Filigramme à Bruxelles
Jeudi 14 septembre, Librairie Dialogues à Brest
Vendredi 15 septembre, Librairie Dialogues à Morlaix
Dimanche 17 septembre, Besançon
Mardi 19 septembre, Le Havre,
Mercredi 20, Librairie Métropolis, Bayeux
Mardi 26 septembre, Librairie La Nuit des temps à Rennes.
Vendredi 29 septembre : Librairie Le Passeur de l’Isle à L’Ile sur la Sorgue

Mardi 3 octobre, Librairie Mollat à Bordeaux
Mercredi 4 octobre, Signature à Dax
Jeudi 5 octobre, Librairie Tonnet à Pau
Samedi 7 octobre, médiathèque Marguerite Yourcenar dans le 15ème
Mardi 10 octobre, Librairie L’Autre monde à Avalon
Mercredi 11 octobre, Librairie Oblique à Auxerre
Mercredi 18 octobre, Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu
Vendredi 20 octobre, Librairie Bleu comme une orange à La Tallandière
Samedi 21 octobre, Bourg en Bresse.
Mardi 14 novembre, La nouvelle librairie Sétoise à Sète
Mercredi 15 novembre, Librairie Le Grain des mots à Montpellier>
Jeudi 16 novembre, Librairie Aux Lettres de mon Moulin à Nîmes
Vendredi 17 novembre, Librairie L'Autre rive à Toulouse
Mardi 21 novembre, Librairie Mille pages à Vincennes

Samedi 18 novembre, Librairie Mots & compagnie à Carcassonne

Mardi 5 décembre, Librairie Coiffard à Nantes
Mercredi 6 décembre, Librairie L’Archipel des mots à Vannes
Jeudi 7 décembre, Librairie Le forum du livre à Rennes
Vendredi 8 décembre, Librairie Le Livre et la Tortue à Issy-les-Moulineaux

Les dernières parutions du même genre