Essais

Aux armes citoyens !

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photo libraire

Par Julien Daylies

Librairie Fontaine Lubéron (Apt)

L’histoire politique souffrait dans les années 1970 et 1980 d’un déficit d’attractivité : trop classique, peu stimulante intellectuellement face aux renouvellements de l’histoire sociale ou économique. La nouvelle histoire politique commence apparemment à donner ses fruits. En cette rentrée littéraire, un vent frais souffle en effet sur les essais politiques.

À Sienne, en Toscane, une fresque d’Ambrogio Lorenzetti recouvre trois pans de murs de la salle municipale, illustrant les effets du bon et du mauvais gouvernement sur la population, la figure de la sagesse surplombant l’ensemble. La sagesse aujourd’hui est incarnée par Jean-Baptiste Hennequin, Pierre Rosanvallon et Nicolas Roussellier. Qu’est-ce qu’un bon gouvernement ? Comment redéfinir la démocratie et réenchanter le rapport gouvernés-gouvernants ? Quelle place et quel rôle pour le citoyen en devenir dans nos sociétés contemporaines occidentales ? Chacun à leur manière, ces trois auteurs apportent leur pierre à un édifice branlant : la société démocratique minée par la crise de la représentativité. Quand Pierre Rosanvallon et Nicolas Roussellier posent les problématiques du « comment gouverner », Jean-Baptiste Hennequin tente de reprendre Machiavel pour le compte de son fils, futur citoyen, clé de voûte justement trop souvent oublié par un exécutif en crise. Sans doute Machiavel pour mon fils est l’essai le plus vif, le plus pédagogue aussi et sûrement le plus léger. Constamment dans l’humour distancié, les dix chapitres forment un programme pédagogique ciblé pour survivre et grandir dans nos sociétés modernes proches par certains traits de celles du xvie siècle. Une bonne et fraîche respiration entre la lecture de Rosanvallon et l’analyse historique de Roussellier, souriante qui plus est... Le Bon Gouvernement et La Force de gouverner font le même constat de l’impasse du présidentialisme, induit par la réforme du quinquennat et la personnalisation du pouvoir. Rosanvallon tente de mettre en place une théorie démocratique de l’action gouvernementale, dont le pivot central serait une nouvelle éthique politique et un nouveau rapport gouvernants-gouvernés. L’auteur invite donc son lecteur à un parcours revivifiant et finalement optimiste, car porteur d’espoir. Bref Rosanvallon y croit encore et ça nous fait du bien. Il poursuit de main de maître sa réflexion débutée dans La Société des égaux et Le Parlement des invisibles, tous deux publiés au Seuil. Nicolas Roussellier dirige d’une main de maître une analyse historique de fond du régime républicain, parlementaire et finalement présidentialiste, et démontre sans une hésitation que ce colosse qu’est devenu l’exécutif aujourd’hui a en fait des mains d’argile à l’inefficacité redoutable. Le constat est sans appel : un exécutif juridiquement surarmé mais politiquement faible, un président surinvesti par les attentes populaires mais privé des moyens d’y répondre. L’auteur en appelle alors au retour d’un exécutif puissant. À deux ans des prochaines présidentielles, il serait bon que quelques politiques prennent le temps de lire au moins un de ces essais. Tout citoyen serait également bien avisé de les lire, mettant leurs préceptes en application dans les conversations entre amis, dans ses rapports avec ses enfants. Car finalement, c’est à l’individu et au citoyen qu’il incombe la responsabilité des princes qu’il met au pouvoir.