Essais
Éthique du vertical
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Alfred Alvarez
Nourrir la bête
Traduit de l’anglais par Anatole Pons-Reumaux
Métailié
03/06/2021
128 pages, 18 €
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Dossier de
Christelle Chandanson
Librairie Elkar (Bayonne) -
❤ Lu et conseillé par
7 libraire(s)
- Christelle Chandanson de Elkar (Bayonne)
- Delphine Demoures de des Halles (Niort)
- Géraldine Guiho de À la ligne (Lorient)
- Valérie Schopp de L'Arbre à mots (Rochefort)
- Ophélie Drezet de La Maison jaune (Neuville-sur-Saône)
- Jean-David Henninger de La Marge (Haguenau)
- Laetitia Roulier de Gutenberg (Issy-les-Moulineaux)
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Fiona Malagutti
À couper le souffle
Éditions de La Martinière
03/06/2021
288 pages, 19,90 €
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Dossier de
Christelle Chandanson
Librairie Elkar (Bayonne) -
❤ Lu et conseillé par
2 libraire(s)
- Christelle Chandanson de Elkar (Bayonne)
- Denis Allard de La Sorbonne (Nice)
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William Finnegan
Avec Mollie
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch
Éditions du sous-sol
06/05/2021
160 pages, 16,50 €
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Dossier de
Christelle Chandanson
Librairie Elkar (Bayonne) - ❤ Lu et conseillé par 11 libraire(s)
✒ Christelle Chandanson
(Librairie Elkar Bayonne)
Accessible à tous, l’escalade n’est pas qu’un sport de gros bras. En effet, les qualités humaines de ce véritable jeu cérébral ne manquent pas : humilité, ambiance conviviale, entraide... Et alors qu’elle fera son entrée aux prochains Jeux Olympiques d’été, voici l’occasion de glisser quelques-uns de ces livres dans votre valise.
Il y a peu encore, la grimpe était synonyme d’aventure, d’exotisme. Aujourd’hui, la démocratisation de l’escalade, avec le développement des murs en intérieur, s’accompagne d’une diffusion plus large de l’éthique du grimpeur. À travers trois expériences du vertical, nous vous invitons à découvrir cette philosophie de la grimpe. Et si vous n’y connaissez rien en alpinisme, pas de panique : ces récits de montagne sont accessibles et de grande qualité littéraire.
Incarnant l’esprit traditionnel et aventurier, le livre culte de 1988, Nourrir la bête, a été écrit par Al Alvarez à une époque où l’alpinisme était l’affaire d’amateurs éclairés, où les risques étaient inhérents à la pratique, les sponsors rares et surtout l’escalade beaucoup moins populaire. Son auteur était un alpiniste chevronné qui a fait équipe avec de nombreux grimpeurs. Traduit pour la première fois en français, Nourrir la bête rend hommage à l’un d’entre eux, Mo Anthoine. Cet ami qui vivait la montagne comme un partage, a toujours préféré grimper pour le plaisir plus que pour la gloire. Et même s’il a grimpé des sommets mythiques et accompagné des personnalités du monde de l’alpinisme, son nom reste plus attaché à son entreprise de matériel technique qu’il avait fondée avec son associé Joe Brown. Passionné, Mo Anthoine a réussi à vivre uniquement autour de la montagne : matériel, grimpe, expéditions en tant que cameraman, doublure pour le cinéma et responsable de la sécurité des tournages en zone de montagne. Alvarez trace de manière poétique et sincère le portrait d’un homme humble (mais exubérant), humain et chaleureux. Alors qu’il a été plusieurs fois dans des situations difficiles, voire extrêmement dangereuses, cet homme prudent, grâce à sa maîtrise de soi et son obsession de la sécurité, a sauvé la vie de nombreux coéquipiers, dont l’auteur et le célèbre Bonningtons. Sous la plume sensible d’Alvarez se dessine un bon vivant, un ami drôle et perspicace qui donne envie de s’attabler avec lui dans un pub pour l’écouter raconter ses aventures. Véritable histoire d’amitié, Nourrir la bête est une expédition, aussi romanesque qu’épique.
Le livre Avec Mollie, du journaliste William Finnegan, pourra faire office d’initiation à la varappe. L’auteur et surfeur des Jours barbares a découvert l’escalade sur le tard et, en écrivain expérimenté, il présente avec clarté le monde de l’escalade qu’il découvre d’un œil neuf. Sa passion, née de la rencontre de sa fille avec ce sport, a donné lieu à un superbe livre audio qui est aujourd’hui publié aux Éditions du Sous-Sol. Comme beaucoup de parents, William Finnegan pousse sa fille à pratiquer des activités sportives, mais aucune ne trouve grâce à ses yeux. Plutôt que dans les vagues, comme le faisait son père, Mollie aime plonger dans la lecture. Aussi quand, lors de retrouvailles dans un summer camp (équivalent plus rustique de nos colonies de vacances), William et sa femme découvrent l’aisance avec laquelle Mollie aborde un mur d’escalade, ils proposent à leur fille, introvertie et timide, de pratiquer cette discipline. C’est une véritable passion qui s’installe, une passion qui sera partagée par le père et la fille. Mollie, pourtant moins sportive, progresse plus vite que son père et ce dernier regarde avec tendresse et fierté la nouvelle relation qui s’installe entre eux. Très didactique, il utilise des termes techniques sans que cela ne soit un obstacle pour le non-initié. Et s’il s’avère que sa fille est extraordinairement talentueuse dans son domaine et parvient rapidement à un niveau de compétition. Il admire sa capacité à conserver les pieds sur terre. Comme dans Jours barbares, Finnegan témoigne de son émerveillement pour les choses simples qui entourent le monde inédit pour lui de l’escalade : l’hygiène de vie exemplaire, l’humilité face à ses capacités et aux éléments, l’esprit d’équipe, l’éthique et le fonctionnement de cette discipline. Un état d’esprit dont il devient accro ! « C’était comme entrer dans une secte salubre. » Au travers de son regard novice et de sa verve talentueuse, il capture et transmet l’essence des sensations présentes lors de l’ascension, notamment le fait de se sentir vivant tout en ressentant la peur. Ce livre est probablement l’un des plus accessible sur l’escalade et un émouvant texte sur la relation père-fille.
Autre univers, autre approche du dépassement de soi grâce à la montagne et à l’alpinisme. À couper le souffle est moins un récit de montagne qu’un témoignage sur la maladie. Fiona est atteinte de mucoviscidose, elle traîne depuis sa naissance des complications de santé des voies respiratoires et du système digestif. Elle a cependant toujours tenu à être traitée comme les autres. Si son handicap menace à chaque instant sa vie, elle tente de vivre au jour le jour et de relever des défis. En janvier 2019, elle entreprend avec son compagnon une traversée de l’Amérique du Sud en van et à pied. Ce périple, relaté dans À couper le souffle, culminera avec l’ascension d’un des plus grands sommets des Andes, le Huayna Potosi. Avec sa fureur de vivre, elle mêle combats quotidiens et découverte de l’autre, loin du confort et des soins. Sans être naïf, l’optimisme qui parcourt le récit nous donne une belle leçon de courage. En partageant ses aventures, Fiona transmet son message d’espoir aux malades de mucoviscidose et à tous leurs proches. La maladie est un poids, certes, mais elle n’empêche pas de gravir des sommets. L’authenticité du témoignage apporte une meilleure compréhension de la maladie et montre l’importance d’avoir des rêves. Insufflant une véritable énergie à ceux qui la liront, Flora a fait de ses expériences verticales un rituel de santé qui lui montre ses limites et lui permet de mieux s’accepter telle qu’elle est.
Ces trois textes nous offrent quelques témoignages vivifiants qui démontrent que l’alpinisme est de ces sports qui renforcent la confiance en soi, la maîtrise et la connaissance de soi. Et si vous avez le vertige, le plaisir de leur lecture reste néanmoins accessible à tous !