Littérature étrangère

Richard Powers

Sidérations

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Chronique de Élodie Bonnafoux

Librairie Arcanes (Châteauroux)

Depuis maintenant trente ans, Richard Powers s’évertue à jeter des ponts entre la science et la littérature. Auteur d’une douzaine de romans, il a reçu en 2018 le prix Pulitzer pour L’Arbre-monde (Cherche-Midi et 10/18), livre dans lequel la défense du vivant était déjà un thème central.

Dans la famille Byrne, il y a le père : astrobiologiste, il modélise les conditions et les possibilités de la vie ailleurs dans l’univers, prenant en compte toutes les données scientifiques disponibles dans tous les champs de recherche existants. Il élève seul son fils et est totalement dépassé par les événements depuis la mort accidentelle de sa femme. La mère était juriste spécialisée dans la défense du vivant. Énergique et charismatique militante, elle sillonnait le pays pour faire avancer sa cause. Bien que disparue deux ans auparavant, elle reste omniprésente dans la vie de son mari et de son fils. Robin a 9 ans au début du roman. Il a toujours été atypique et en décalage avec le reste de l’humanité mais depuis la disparition de sa mère, il connaît des crises de plus en plus violentes. L’intrigue de ce roman se situe dans un avenir proche où la situation écologique et socio-économique a continué à se dégrader. Père et fils naviguent comme ils peuvent dans ce monde guetté par l’effondrement, qui les émerveille autant qu'il les terrorise : ils observent et analysent chaque recoin de la vie comme ils en constatent la possible disparition. Robin, bouleversé par la mort (aussi bien celle de sa mère que celle des espèces animales et végétales qui se profile) sombre peu à peu, au point qu’il devient difficile d’envisager de le maintenir dans une scolarité normale. Le père fait alors appel à un ami universitaire de sa femme qui mène une expérimentation neurologique permettant aux patients dont les émotions sont « déréglées » de reproduire la démarche émotionnelle d’une autre personne, l’idée étant qu’il puisse s’approprier les émotions positives et le chemin qui y mène. Face à la détresse de Robin, ils décident donc de lui permettre d’intégrer les émotions de sa mère qui ont été enregistrées de son vivant. Ces hommes, à l’image de l’Humanité, ont de louables intentions mais ne maîtrisent rien des conséquences de leurs actes. En l’occurrence, l’avenir et la santé mentale de Robin. Sidérations est un livre très engagé qui s’adresse autant à nos sensations qu’à notre intelligence et qui porte un regard métaphysique sur la nature, l’univers et la place de l’Humain dans ce système. On y trouve beaucoup de données scientifiques, parfois pointues, dont finit pourtant par naître une véritable poésie. Une poésie qui nous parle d’une beauté sidérante qui n’en finit pas de se heurter à la réalité d’un monde qu’on détruit.