Littérature étrangère

Michael Magee

Retour à Belfast

✒ Katia Leduc

(Librairie L'Embarcadère, Saint-Nazaire)

Véritable révélation littéraire de cette année en Grande-Bretagne (où il a raflé plusieurs prix), ce premier roman puissant et acéré de Michael Magee met en scène la jeunesse sacrifiée d’Irlande du Nord.

Après des études à Liverpool et un diplôme en poche, Sean revient s’installer dans un quartier vétuste de Belfast. Il y retrouve ses amis et renoue avec les débrouilles et combines en tout genre pour survivre et s’oublier lors de nuits blanches trop arrosées. Un soir, Sean surréagit face à une provocation et, devant la gravité de l’agression, se voit condamner à plusieurs heures de travaux d’intérêt général pendant lesquelles il fera des rencontres déterminantes. Sean navigue ainsi sous l’emprise d’amis peu scrupuleux, d’une famille dont le demi-frère hors de contrôle exerce pernicieusement une violence sous-jacente tandis que le nom de son père, absent, résonne comme une infamie, alors que lui-même doit se tenir à carreau afin d’éviter un jugement plus sévère. Au détour d’une soirée, il reprend contact avec l’insaisissable Mairead, premier amour de jeunesse, qui se débat de petit boulot en petit boulot pour se sortir de cette vie de misère et, surtout, quitter un pays qui n’a rien à lui offrir. Michael Magee brosse le portrait impitoyable d’une Irlande du Nord phagocytée par la pauvreté. Une société où la précarité, le mal-logement, le chômage, l’alcoolisme et de nombreux troubles psychiques fauchent une jeunesse qui subit directement les conséquences d’un conflit qu’elle méconnaît, tout en vouant une forme d’admiration aux faits d’armes de l’IRA. Dans un pays où la loi du silence est la règle, les anciennes histoires et les règlements de comptes doivent rester dans l’oubli au risque de mettre en péril une paix bien fragile. Un premier roman dont la maîtrise impressionne, tout comme les portraits ultra réalistes d’une ville en proie à un passé tourmenté et d’une classe ouvrière irlandaise désemparée face à la désillusion de ses enfants, pour qui l’exil est la seule échappatoire.

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