Les Morsures du silence

Le mythe d'une société suédoise idyllique, sans classes sociales ni criminalité aucune, ne peut résister au prisme de la littérature policière. Johana Gustawsson nous le prouve avec finesse et intelligence. En Suède, le 13 décembre à la Sainte-Lucie, il est de tradition qu'une jeune fille vêtue d'une aube et coiffée d'une couronne de bougies défile devant une procession de femmes. Mais sur l'île de Lidingö, il y a vingt-trois ans, cette fête fut entachée par le meurtre effroyable de Jenny Dalenius qui incarnait Sainte-Lucie, crime abject dont découla une succession de drames et de traumatismes dans la population. En effet, le coupable aurait été un descendant du fondateur de la maison d'édition Akerman, famille riche et estimée qui aura bien du mal à se remettre de ce scandale. Aujourd'hui, alors que l'île aspire à retrouver sa quiétude, le commissaire Aleksander Storm est appelé, à l'aube, sur une nouvelle scène de crime. Le mode opératoire et la mise en scène s'inspirent fortement de ceux du meurtre de Jenny, à ceci près que la victime est de sexe masculin. Aurait-on arrêté un innocent il y a vingt-trois ans ? L'enquête s'avère délicate pour le commissaire car il connaît quasiment tous les habitants de l'île mais, pour autant, que sait-il des souffrances tues et des secrets enfouis ? Aleksander pourra s'appuyer sur l'aide d'une commissaire française en disponibilité, Maïa Rehn, qui peine à se remettre de la mort de sa fille et s'est établie sur Lidingö. Maïa porte un regard extérieur sur la vie quotidienne en Suède et apporte une touche frenchy bienvenue, à travers nos usages ou son goût pour le vin, par exemple. Ce personnage est fragile dans sa tentative de reconstruction, introspectif : il nourrit l'intrigue et lui donne de l'épaisseur. Mais que l'on soit française ou suédoise, la douleur du deuil et le manque sont universels. Le rythme est donné par une double voire triple narration qui donne du souffle à la lecture et auquel s'ajoute une écriture ciselée, percutante. Par conséquent, Les Morsures du silence se dévore, presque trop vite ! Alors, quel plaisir de se (re)plonger dans Block 46 : deux femmes, l'une profileuse et l'autre écrivaine spécialiste des tueurs en série, mènent une véritable traque qui les fera remonter jusque dans l'enfer organisé des camps de concentration pour identifier le meurtrier. Un thriller audacieux aux personnages addictifs, puissant comme un uppercut ! Vivement d’autres parutions !