Littérature étrangère

Viola Ardone

Les Merveilles

✒ Valeria Gonzalez y Reyero

(Librairie Jeanne Laffitte, Marseille)

Pour clore son triptyque sur l’Histoire italienne du XXe siècle, Viola Ardone nous livre un roman émouvant sur la maladie mentale et le parcours d’une jeune femme pour s’approprier sa liberté.

Elba est née dans le « monde-à-moitié », un asile psychiatrique dans lequel sa mère a été internée enceinte. Elle n’est pourtant pas malade et, pour survivre dans cet environnement presque carcéral où les fous sont maltraités, « électrochoqués » et laissés à l’abandon, elle s’invente un imaginaire joyeux et fantaisiste fait de chiffres, de jeux et de rimes. Jusqu’au jour où un jeune médecin aux idées révolutionnaires intègre l’équipe médicale. Fervent partisan de la loi Basaglia pour la fermeture des asiles psychiatriques, Fausto Meraviglia prend sous son aile Elba, avec l’espoir et la volonté de lui apprendre à se rapproprier sa liberté et d’en jouir. Dans cet émouvant récit à deux voix, Viola Ardone réussit encore une fois le pari de nous raconter une histoire intime et bouleversante qui a comme toile de fond les grands changements politiques et sociétaux de l’Italie des années 1980. Car, à travers le regard de la jeune Elba, c’est tout un pan de la société de l’époque qui est mis à nu : la maladie mentale était une honte pour les familles, sans compter que les traitements étaient souvent particulièrement injustes pour les femmes puisque leurs proches les internaient pour adultère, pour justifier un second mariage ou parce qu’ils les jugeaient trop excentriques. Entre Elba et le docteur Meraviglia s’instaure un rapport filial intense et original, un remaniement de l’idée de famille, en particulier pour ce médecin qui avait voué son existence à celle de ses patients, délaissant souvent ses propres enfants et découvrant donc avec Elba une nouvelle forme de parentalité. Les lecteurs avisés auront le plaisir de retrouver des petits clins d’œil aux deux précédents romans de Viola Ardone, Le Train de enfants et Le Choix, car les grandes révolutions silencieuses que l’autrice raconte ne peuvent exister que dans la continuité de l’engagement et de l’entraide de vies ordinaires.

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