Essais

Taïna Tervonen

Les Fossoyeuses

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photo libraire

Chronique de Allan Viger

Librairie des Cordeliers (Romans-sur-Isère)

La Bosnie-Herzégovine fut de 1992 à 1995 le théâtre macabre d'une guerre sale qui dégénéra en nettoyage ethnique dans une éruption de haine et de violence dont on ne pensait plus jamais être les témoins en Europe.

Les Fossoyeuses est le travail immense et la quête essentielle de trois femmes. Taina, une journaliste indépendante finlandaise. Senem, une anthropologue judiciaire bosniaque. Et Darija, une enquêtrice serbe. Trois grandes femmes qui se sont consacrées à faire parler les morts et les vivants, à rendre leur visage et leur humanité aux disparus et à réparer les humains dans un pays traumatisé par la guerre. Une tâche herculéenne. Quinze ans plus tard, le travail d'identification est un cauchemar. Dans les terres de Tomašica, la découverte d'un charnier primaire et de centaines de corps encore en décomposition fait ressurgir du passé une guerre de souillures. Une guerre avec ses images encore vives, ses fracas et ses odeurs qui collent à la peau. Une fosse béante, des tranchées, un paysage de désolation rappellent brutalement que le crime est encore frais. Au beau milieu de la brume, Senem et son équipe plongent leurs mains dans les entrailles de la fosse. L'espoir est grand pour les familles qui n'ont jamais pu faire leur deuil. La douleur, parfois insurmontable. Les politiciens, jamais bien loin dans leur entreprise de récupération, mais absents quand on a réellement besoin d'eux et surtout de moyens, ne serait-ce que pour conserver la dignité des morts. « Un charnier est un sale boulot. » Et la journaliste Taina est venue là pour témoigner. Porter la plume dans la plaie. Filmer. Comprendre la vérité. Capter aux côtés de Darija toutes les voix des sans voix. Rompre des silences. Délier des langues. Parvenir à prélever quelques gouttes de sang pour recoller les morceaux. Accompagner Senem et Darija dans leur combat de tous les jours. Questionner le sens d'un pareil chemin de croix. Embrasser tout ce qu'il y a d'humanité chez elles et les leurs. Accomplir par-là une nécessaire œuvre de paix.