Littérature française

Paola Pigani

Et ils dansaient le dimanche

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Chronique de Guillaume Chevalier

Librairie Mot à mot (Fontenay-sous-Bois)

Szonja débarque dans la France de 1929 dans l’espoir d’une vie meilleure, mais la réalité de la condition ouvrière broie rapidement ses ambitions. Face aux désillusions, l’entraide et la sororité lui redonneront le courage de lutter.

Szonja est une jeune femme hongroise. Pauvre, elle rêve d’ailleurs, d’indépendance et de liberté. À la faveur d’une petite annonce, elle part en France en 1929 avec sa cousine Marieka pour travailler dans une usine textile près de Lyon, spécialisée dans la fabrication de viscose, une soie artificielle alors très populaire. Néanmoins, l’illusion d’une vie meilleure en France va vite se dissiper tant les conditions de travail se révèlent terribles. Ouvriers et ouvrières doivent manipuler des produits toxiques qui brûlent leurs mains et leurs yeux. Ils sont logés dans des chambres exiguës au confort minimal. Quant à la paye, elle n’assure que leur survie. Malgré ce contexte difficile, il y a des rencontres. Szonja, bien que timide, a envie d’amour. Courtisée par Jean, un ouvrier français, elle hésite. La passion est absente, mais avec le temps, qui sait ? Et puis, se marier avec un Français lui apportera, pense-t-elle, une stabilité, une légitimité dans son pays d'accueil. Elle accepte donc de l’épouser dans un mariage de raison qui aura le goût du désenchantement et de la violence. Elle peut en revanche compter sur les liens très forts qu’elle a tissés avec d’autres ouvrières, notamment avec Elsa, une Italienne acquise aux idées marxistes. Avec d’autres, elles décident de s’organiser pour mener le combat auprès de la direction de l’usine. Dès lors, la solidarité entre immigrés et les luttes ouvrières vont s’exprimer et aider les unes et les autres à redresser la tête. Sublime roman doux-amer, Et ils dansaient le dimanche nous parle avec émotion de la dureté du travail en usine, de l'âpreté de la condition féminine tout autant que de la force du collectif et des bienfaits d’une amitié sincère, le tout porté par une langue et un style magnifiques. Un indispensable de la rentrée littéraire.

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