Littérature étrangère

Maria Matios

Daroussia la douce

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photo libraire

Chronique de Sandrine Maliver-Perrin

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Voici le premier roman traduit de Maria Matios, écrivaine ukrainienne. Il nous emmène dans un petit village peuplé de personnages tout droit sortis d’un conte naïf, mais que la noirceur des hommes n’a nullement épargné.

Orpheline, la jeune Daroussia est enfermée dans un mutisme inexplicable depuis de nombreuses années. Dans ce petit village où tout le monde connaît tout le monde, la majorité des habitants considèrent la jeune fille comme folle ou simple d’esprit. Mais il n’en est rien : Daroussia parle dans sa tête et ses pensées fusent plus qu’il n’en faut. Étrangement, la simple mention d’une sucrerie provoque d’atroces migraines chez la jeune fille qui, pour apaiser la douleur, s’immerge dans la rivière ou s’enterre dans le sol jusqu’à la taille. En proie aux railleries, Daroussia n’a pour seule alliée que Maria, sa vieille voisine, qui s’occupe d’elle comme le ferait une mère. Un jour arrive au village Ivan Tsvytchok, un fabricant de guimbardes qui ne paye pas de mine, vagabond à l’esprit libre et au grand cœur, bien plus âgé que Daroussia. Tous deux vont s’entendre à merveille et habiter sous le même toit. Ivan fait tout son possible pour aider Daroussia ; il lui fait découvrir l’amour et parvient même à la faire parler. Mais le destin est cruel et va rattraper la jeune fille... Le roman bascule alors dans la seconde histoire, qui nous ramène une trentaine d’années en arrière, au début de la Seconde Guerre mondiale. On y découvre un autre couple, Mykhaïlo et Matronka, les parents de Daroussia. Le ton se fait plus dramatique, alors que la Bucovine, région occidentale de l’Ukraine, voit défiler des occupants divers, Allemands, Roumains, Soviétiques. Ainsi se déroulent les fils de l’histoire, la grande et la petite, et nous est dévoilée l’origine du mutisme de Daroussia. Mais je n’en dirai pas davantage. Courrez vite acheter ce roman puissant qui vous fera chavirer. Car cette chronique singulière et poignante d’une Ukraine écartelée, encore et toujours, est un véritable trésor.