Jeunesse

Maryvonne Rippert

Une touchante initiation à l’art de vivre

Entretien par Chloé Morabito

(Librairie Sauramps Odyssée, Montpellier)

Doté d’un sujet sensible et original, Marche ta peine est un magnifique roman qui se construit comme une marche libératrice faite de rencontres inattendues, d’émotions fortes et d’altruisme. Porteur d’une puissante leçon de vie et d’humanité, il touchera assurément le cœur de ses lecteurs, adolescents comme jeunes adultes.

La marche éducative est le sujet central de votre roman. Pourquoi avoir choisi d’écrire un roman autour de cette thématique singulière ?

Maryvonne Rippert – La marche est pour moi une image de la liberté. Et cet adolescent, Ulis, qui a fait quelque chose d’irréparable, pouvait être soit enfermé, soit au contraire libéré de ses démons par la marche qui est lente, qui fait réfléchir. Je me suis inspirée du Seuil, cette association qui fait marcher des adolescents délinquants depuis des années. Mais pour m’en libérer, pour ne pas être obligée de suivre directement son protocole – car c’est très précis, les adolescents sont accompagnés par des éducateurs, il y a tout un suivi important – j’ai changé le nom de l’association et m’en suis juste inspirée. Voilà comment ça s’est passé. L’idée était vraiment d’ouvrir cet adolescent à des rencontres.

 

Votre roman traite du harcèlement et l’aborde sous différentes formes. En quoi ce thème est-il important pour vous ou pourquoi est-il important, selon vous, d’en parler ?

M.R. – J’ai réfléchi à cette question récemment parce que ce n’était pas mon thème. Je cherchais quelque chose qui pouvait mener à l’irréparable et était qui à la fois quelque chose de collectif. Mon personnage, Ulis, aurait très bien pu blesser quelqu’un ou même le tuer. Mais avec le harcèlement, la responsabilité est collective et c’est ça qui m’intéressait. L’histoire de mon roman arrive après, ce n’est pas une histoire de harcèlement. Mon personnage est tellement ahuri de ce qu’il a fait, tellement époustouflé et perdu qu'il est même dans la dénégation. Il n’a pas conscience de ce qu’il a fait et c’est petit à petit, par des rencontres, par cette marche lente, par cette avancée douloureuse qu’il en prendra conscience. Au début, il se fiche de ces rencontres : Ulis n’aime pas les gens, c’est un adolescent fermé. Mais il aime les animaux, il est touché par la nature et son grand amour, c’est sa petite sœur. À partir de là apparaissent des bribes de résilience et des possibilités de renouer avec son humanité.

 

Ulis est un adolescent fragilisé par des situations de vie compliquées et un milieu familial incertain. André, quant à lui, souffre continuellement de son passé. Pourquoi avoir choisi de réunir ces deux personnages ?

M.R. – Très sincèrement, je pense que dans la vie des adolescents, les rencontres avec des adultes forts, ayant une personnalité et de l'intégrité sont très importantes. André est comme ça. Il a souffert, il est tout couturé de blessures diverses et variées. Au début, Ulis ne s’y intéresse absolument pas parce que, comme beaucoup d’adolescents, il vit dans une bulle où les adultes, de toute façon, ce ne sont que des vieux. Mais là, à travers cet adulte qui n’est pas complaisant du tout, mais qui n’est pas sévère et lui parle d’humain à humain, progressivement, par des petites bribes, Ulis arrive à s’intéresser aux autres. Il s’ouvre, il s’épanouit, il se libère. Ce n’est pas du tout un roman triste, bien au contraire : le récit est dynamique et chemine vers des rencontres parfois cocasses, parfois étonnantes, des amitiés très fortes et puis, de l’amour.

 

Tout au long de votre livre, le fait de marcher induit de nombreuses transformations physiques mais aussi psychologiques. Diriez-vous, finalement, que la marche est une métaphore de la vie ?

M.R. – C’est un peu ça en réalité parce qu’il y a des temps d’arrêt, il y a des échecs, du découragement et il y a le moment où au contraire on a passé une étape, on est passé à autre chose. À la fin de cette marche, Ulis a toujours 14 ans mais il a tout ce qu’il faut pour être un bon humain. Néanmoins, on pourrait croire que c’est l’apologie d’un harceleur guéri. Non. Il a fait quelque chose d’irréparable et il va falloir que lui-même se répare. Y aura-t-il un pardon ? Pas forcément. Il aura grandi, aura évolué et sa victime aura le dernier mot.

 

Pourquoi destinez-vous Marche ta peine à un public adolescent ? Quel message souhaitez-vous lui transmettre à travers votre écrit ?

M.R. – Il se trouve que j’adore écrire pour les adolescents. Quand on écrit pour des adolescents, on va chercher en soi l’adolescence. Ce que je veux transmettre, c’est cette belle énergie que l’on a quand on a 14 ou 15 ans, l'âge de tous les possibles, une sensibilité merveilleuse et surtout, pas de notion du temps. Chaque seconde est importante et j’aime cette temporalité des adolescents, j’aime ce côté ingénu et intègre.

 

À propos du livre

Ulis, jeune délinquant âgé de quatorze ans, intègre l’association « Marche ta peine » et se voit obligé de réaliser une marche de deux mois aux côtés d’un éducateur. C’est André, guide de montagne et professeur de latin à la retraite, qui se porte volontaire pour l’accompagner. Tous deux entament un long périple qui les mènera sur le chemin de la résilience, d’autrui et de la liberté. Marche ta peine est un récit moderne, vibrant et terriblement touchant dans lequel le fait de marcher s’apparente au fait même de vivre. Tout comme Ulis, le lecteur ne sera plus le même à la fin de sa lecture, gorgé d’un trop-plein de sensibilité et d’humanité.

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