Jeunesse Dès 9 ans

Cécile Roumiguière

La Belle et la Bête

✒ Gaëlle Farre

(Librairie Maupetit, Marseille)

L’élégante collection des Classiques illustrés chez Albin Michel accueille son quatorzième titre en ce début d’année : La Belle et la Bête. L’histoire a depuis longtemps fait le tour du monde mais Cécile Roumiguière et Benjamin Lacombe en signent une superbe adaptation qui fait de cet ouvrage un livre absolument unique.

Parce qu’il a cueilli une rose dans de sublimes jardins, un marchand est condamné à livrer sa fille – la Belle – au maître des lieux qui se dit spolié – la Bête. Les trois protagonistes sont loin d’imaginer que cette malédiction va donner naissance à l’une des plus belles histoires d’amour qui soient : celle de La Belle et La Bête, une histoire mille fois reprise, adaptée et illustrée. Les films de Jean Cocteau (1946) et Walt Disney (1991) continuent d’éblouir tandis que le texte de l’œuvre de Madame Leprince de Beaumont est dans la liste de lecture de l’Éducation nationale. C’est d’ailleurs cette version de 1756 qui est la plus diffusée mais on en vient à oublier que le texte de Gabrielle-Suzanne de Villeneuve (publié en 1740) l’a précédée. C’est de cette version première que Cécile Roumiguière est partie pour ce nouveau volume illustré par Benjamin Lacombe. Alors que le texte de Madame Leprince de Beaumont s’adresse à tous dès l’enfance, celui de Madame de Villeneuve a une envergure plus sensuelle où le désir comme le consentement sont au cœur de l’histoire – une dimension ô combien intéressante tant ces sujets sont brûlants au XXIe siècle. Cécile Roumiguière ne s’est cependant pas limitée à cette seule source et est également allée puiser dans le conte du Roi Porc de l’Italien Straparola (1550) – les décors vénitiens du livre prennent tout leur sens – et dans ses souvenirs du film surréaliste de Cocteau. De son côté, Benjamin Lacombe est allé retrouver l’histoire de Petrus Gonsalvus pour mieux incarner la Bête et réhabiliter l’image de ce freak malmené par l’Histoire et les hommes. Il fut le premier cas connu d’hypertrichose et son histoire tragique serait à l’origine des textes écrits de La Belle et la Bête. Par ailleurs, en s’inspirant de Chambord pour les images du château, Benjamin Lacombe brouille les frontières. Mais c’est bel et bien le propre du conte que d’être d’ici et d’ailleurs. Avec ces multiples inspirations et hommages, les auteurs livrent une nouvelle version qui n’est rien moins que généreuse – avec une fabrication soignée et un Pantone métallisé qui confère au livre un caractère précieux. On sent ici tout l’amour des artistes pour leurs personnages, depuis la préface jusqu’aux annexes en passant par les tableaux aux couleurs puissantes de Benjamin Lacombe. Il faut mentionner les cahiers finaux permettant de connaître les pensées de la Belle comme de la Bête et qui sont une très riche idée !

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