Bande dessinée

Émilie Alibert , Vernay , Lapière

Rose, t.1

illustration

Chronique de Julie Bacques

Maison d'édition Québec Amérique (Québec)

On l’attendait impatiemment. Double Sang arrive enfin en librairie et, huit mois après Double Vie, ce tome 2 de Rose tient toutes ses promesses. À mi-chemin entre le polar et le conte fantastique, cette BD hors normes nous tient en haleine page après page, dans une atmosphère délicate et attachante.

Le tome 2, voilà le prétexte idéal pour se plonger à nouveau avec délice dans le premier volet de cette trilogie (ou le découvrir, pour les malheureux qui auraient loupé le coche en janvier dernier). Rose a un don, qu’elle a longtemps pris pour une maladie avant d’en comprendre la singularité : elle se dédouble. Capable de quitter son corps et de se déplacer sans être vue, elle part observer en catimini la vie – la sienne ou celle des autres. Pratique mais déroutant. Gardienne de musée, Rose est une jeune femme discrète et attachante. Lorsqu’elle apprend que son père, détective privé, a été assassiné, elle se retrouve plongée malgré elle dans une enquête mystérieuse. Des cadavres mis en scène de la même façon que dans un tableau qu’elle connaît bien ; l’énigme de l’immeuble qui appartenait à son père et dans lequel il vivait et travaillait ; la découverte de morts qui s’y sont déroulées ; un sortilège datant de quatre siècles ; une filature qui lui tombe sur le dos ; des dossiers cachés ; un inspecteur à l’efficacité mitigée ; des interrogations sur sa propre naissance ; et surtout la découverte de trois fantômes dans l’immeuble paternel qu’elle seule arrive à voir et qui ont l’air d’en savoir long sur l’histoire familiale. Autant d’énigmes que son don lui permet d’explorer mieux que quiconque, sans lui apporter toutefois de véritable clé. Bref, nous refermions le tome 1 en alerte, en priant pour que le tome 2 ne se fasse pas trop attendre. Et le deuxième opus ne nous déçoit pas. Nous y retrouvons Rose, ses amis fantomatiques et le fade inspecteur qui semble en chercher davantage que ce qu’il prétend. Les différents éléments s’assemblent peu à peu mais continuent de creuser le mystère sur la raison de l’assassinant du père de Rose, ainsi que sur le passé familial. À la frontière entre fantastique et polar, Rose est une bande dessinée qui ne ressemble à aucune autre : la douceur des personnages s’oppose à la noirceur des meurtres et sortilèges auxquels la jeune femme est confrontée, le rythme lent et poétique des scènes se mêle élégamment au chaos des rebondissements. Entre étonnement et angoisse, on ne peut s’empêcher de vouloir le lire à toute allure et pourtant, Rose et ses auteurs nous imposent leur calme et leur ambiance feutrée. Le dessin de Valérie Vernay, au charme envoûtant, impose un rythme lent à ce récit énigmatique et palpitant, et nous embarque dans son étrange atmosphère. Les décors colorés laissent place aux personnages en noir et blanc lorsque Rose devient « fantomatique », ce qui fonctionne merveilleusement bien et confère aux personnages une intimité pleine de charme. Inutile de préciser que la fin du tome 2 nous laisse de façon criante sur le qui-vive et, bien plus encore qu’à l’issue du tome précédent, on prie pour que le tome 3 (le dernier) nous parvienne très rapidement. En attendant, nul autre choix que de se délecter à relire à différents rythmes les deux premiers tomes de cette série dans laquelle on ne s’ennuie pas une seconde.