Bande dessinée
Sandrine Revel , Anaële Hermans
Lointains mes mots

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Sandrine Revel , Anaële Hermans
Lointains mes mots
Dargaud
18/04/2025
116 pages, 20,50 €
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Chronique de
Claire Chanvry
Librairie La Cavale (Montpellier) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Laurence Behocaray de I.U.T. Carrières sociales, Université (Tours)
- Raphaël Rouillé de de Saint-Christol-lez-Alès (Saint-Christol-lez-Alès)
- François-Jean Goudeau de ESTHUA - Université d'Angers (Angers)
- Salomé Fauvel de Au détour des mots (Tournon-sur-Rhône)
- Émilie Wivincova de Le Vagabond immobile (Arreau)
✒ Claire Chanvry
(Librairie La Cavale, Montpellier)
Lointains mes mots est un roman graphique qui embarque ses lecteurs et lectrices aux côtés de Claire, dans une histoire de mots, de communication et de bruits du monde. C’est aussi un parcours de résilience, poétique et métaphorique, qui fait la part belle au monde marin et à ses singularités.
Tout commence par deux événements qu’a priori rien ne relie. Au large d’un village de pêcheurs, en Galice, sombre Le Prestige, déversant son chargement de fioul dans l’océan. À des kilomètres de là, Claire, madrilène depuis 8 ans, est victime d’un AVC. Bien que prise en charge à temps, sa mémoire et sa faculté de langage sont sérieusement touchées. Or, depuis toujours, cette femme entretient une relation passionnée, si ce n’est intime, aux mots. Toute son existence – son métier, ses relations, son couple – tourne autour du langage. Le désarroi est aussi lisible qu’imaginable. Après une rééducation frustrante, c’est une femme en perte de repères et de vocabulaire qui rejoint les bénévoles chargés de nettoyer le littoral pollué. Là, elle rencontre Beatriz qui lui présente ses proches en même temps qu’elle lui ouvre les portes d’un monde insoupçonné en l’initiant à la plongée, très vite présentée comme remède à l’anxiété. Car l’immersion, dans sa symbolique presque fœtale, entraîne Claire vers un nouvel éveil au monde. Comme cette femme à l’oralité empêchée, nous sommes placés dans une posture d’écoute et notre attention se porte sur les mots, ceux qu’on dit et ceux qu’on cherche. Avec une volonté de nommer les choses pour se les réapproprier, commence pour Claire un voyage d’acceptation. Un changement de paradigme s’opère autour du langage qui n’est plus seulement écrit mais aussi oralisé. Alors, la transmission revêt une place centrale. Les dialogues disent les légendes rapportées autour d’un verre, nous renseignent sur les fréquences de chant des baleines et la construction des bateaux, racontent la mobilisation citoyenne et les chansons populaires. Le texte et les illustrations sont empreints d’une certaine vivacité et insufflent douceur et poésie au récit. L’autrice et l’illustratrice nous invitent à plonger un peu plus profond, à lire en filigrane, grâce aux métaphores présentes tout au long de l’histoire. Le texte d’Anaëlle Hermans est à la fois fictionnel et didactique. Il est aussi parsemé de poèmes, comme une invitation à redécouvrir Pablo Neruda. Le trait de Sandrine Revel rappelle le pastel ou le crayon de couleur. Il souligne la bienveillance des personnes rencontrées ainsi que les reflets subaquatiques, il dit les mots et leur étymologie. Récit écrit et récit illustré forment un tout et nous embarquent, en apnée, dans cette histoire de résilience.
