Polar

David S. Khara

Le Projet Bleiberg

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photo libraire

Chronique de Frédérique Caremel

Librairie Tournez la page (Combourg)

Très attendu, ce deuxième volet des aventures de Morgenstern tient ses promesses. Le Projet Shiro révèle un nouvel aspect des conséquences funestes de la Seconde Guerre mondiale. Mossad, Japon, armes bactériologiques, tous les ingrédients d’un thriller impeccablement mené et la confirmation d’un auteur.

David S. Khara avait créé la surprise avec son premier roman paru aux éditions Critic, Le Projet Bleiberg. L’auteur, journaliste sportif puis chef d’entreprise, a choisi de se consacrer à l’aventure littéraire en privilégiant un genre très prisé : le thriller, qu’il inscrit dans la tradition des auteurs américains. L’originalité réside dans l’entrecoupement des époques et les références historiques évoquant les aspects terribles de la Seconde Guerre mondiale que sont les expériences médicales et bactériologiques, ainsi que leur poursuite à travers les programmes secrets de la guerre froide. Il crée un personnage hors du commun, victime de la folie du Reich, qui a voué sa longue vie à la traque des criminels de guerre, tant sa soif de vengeance est inextinguible. Devenu agent spécial du Mossad, Eytan Morgenstern se voit assigner des missions particulièrement dangereuses et secrètes, dans la plus pure tradition du genre. Le Projet Bleiberg nous entraînait dans les arcanes d’une machination génétique abominable contre laquelle les services secrets, contraints de s’associer, s’opposaient au Consortium impliqué dans le développement d’armes terrifiantes. Pour Eytan Morgenstern, tout recommence dans ce Projet Shiro. Loin de goûter enfin un moment de répit, il se voit obligé de composer avec son ennemi d’hier, ce Consortium aux méthodes abruptes qu’il combat depuis toujours. Ils ont enlevé son mentor et ami, Eli Kharman, et lui mette le marché en main : coopérer avec leur super agent, Elena. Eytan et Elena sont rivaux ; unis par un passé commun, victimes l’un et l’autre d’expérimentations nazies, mais opposés dans leur vision de l’humanité et leurs motivations. Ils vont cependant devoir s’entendre et associer leurs compétences pour déjouer un complot dont l’anéantissement d’un village tchèque frappé par une attaque bactérienne n’est que l’une des dramatiques péripéties. Une trame historique documentée, de la mystérieuse unité 731 en Mandchourie en 1943 à un centre militaire américain de recherches bactériologiques en 1957, jusqu’à l’expérimentation actuelle d’armes de destruction massive, les époques se répondent, l’intrigue nous tient en haleine, la confrontation des deux agents génère des scènes d’action digne du cinéma. Et pourtant se dessinent des moments autres qui confrontent le lecteur à ses propres interrogations. L’écriture de David S. Khara possède les qualités indispensables aux meilleurs thrillers : ruptures de rythme, saveur des répliques, précision énergique de la mise en scène. Les références littéraires de l’auteur, de la littérature classique aux contemporains tels Lehane, et aussi le cinéma qui verra bientôt l’adaptation du Projet Bleiberg, sont autant d’arguments en faveur de ce nouveau roman mené avec maestria et auquel vous succomberez sans nul doute. Il ne vous restera plus alors qu’à patienter jusqu’au retour d’Eytan Morgenstern, dont « la vérité est vraiment ailleurs ! »