Essais

Jean-François Bayart

Le Plan cul

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photo libraire

Chronique de Bertrand Morizur

Librairie L'Arbre du Voyageur (Paris)

Dans des registres très différents, mais animés d’un bel optimisme, Philippe Marlière et Jean-François Bayart interrogent les pratiques sexuelles transgressives. Deux essais sans tabou sur un sujet qui n’en manque pas.

Voici deux ouvrages d’une grande originalité ayant en commun l’étude des pratiques amoureuses et sexuelles, mais sous des angles différents. D’un côté, Philippe Marlière convoque le poète Ovide et le romancier Philippe Sollers et se livre à des variations sur le thème du libertinage. Dans ce court essai publié dans la collection « L’Infini », dirigée par Philippe Sollers, l’auteur place ce dernier sur un pied d’égalité avec Ovide, mais aussi avec Héraclite ou encore Nietzsche. On appréciera l’analyse qu’offre Pierre Marlière de l’œuvre d’Ovide, dont Les Amours et L’Art d’aimer illustrent brillamment la proposition des libertins du xviiie siècle : la liberté des esprits et des sens. À travers les œuvres d’Ovide et de Sollers se dessine la figure d’une femme ou d’un homme qui, en transgressant les normes, que ce soit dans la Rome d’Auguste ou aujourd’hui, s’accomplit en tant qu’individu. C’est cet inachèvement qui intéresse Jean-François Bayart. On le connaissait pour ses ouvrages consacrés à la sociologie politique de l’Afrique ; Le Plan cul annonce une nouvelle et passionnante réflexion. On peut remarquer l’influence tentaculaire de Gilles Deleuze sur cet essai. Les jeunes hommes dont Bayart dresse le portrait contiennent certes des « machines désirantes » et sont à la recherche de « lignes de fuite »… Mais le plan cul interprété comme un « plan d’immanence », un « élan vital » est une vraie trouvaille de l’auteur et justifie ce recours systématique aux topiques deleuziens. Cette ethnologie du proche qui articule dissidence politique et questionnement ontologique bouscule bien des tabous et lance des pistes pour mieux appréhender notre ambivalence et cette part de liberté qui nous appartient.