Bande dessinée

Fred Dewilde

La Morsure

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photo libraire

Chronique de Christine Lechapt

Librairie Maison du livre (Rodez)

Que ressent-on lorsqu’on est victime d’un syndrome post-traumatique ? Comment reprendre goût à la vie et guérir de cette blessure profonde quand le moindre petit détail vous ramène inlassablement au moment où tout a basculé ? Deux ouvrages remarquables nous amènent quelques éléments de réponse.

Après nous avoir raconté dans une précédente bande dessinée comment il avait survécu aux attentats du Bataclan, on retrouve Fred Dewilde, quelques mois plus tard, alors qu’il part en vacances à la campagne avec sa famille afin de se ressourcer et reprendre des forces. Ce repos tant mérité après des mois de nuits sans sommeil va cependant être de courte durée car l’annonce des attentats de Nice va le replonger dans un état de panique extrême. Une tâche apparaît alors sur son bras et au fur et à mesure que sa peur prend le dessus, elle grandit pour envahir l’ensemble de son corps. Les médecins l’avaient pourtant prévenu : la « morsure » qu’il avait subie était profonde et une rechute était à prévoir. Grâce à des planches en noir et blanc, peuplées de scènes de guerre d’une extrême violence, on mesure l’emprise que le traumatisme a sur Fred Dewilde, comment elle le fait basculer dans un monde de terreur et lui fait perdre tout contact avec la réalité. Un récit extrêmement poignant qui illustre à la perfection les souffrances des victimes du syndrome post-traumatique. Le choc vécu par Fred Dewilde, véritable ébranlement intérieur, Bessel Van der Kolk l’a découvert pour la première fois au contact des vétérans de la guerre du Vietnam. Tout jeune psychiatre, rien ne l’avait vraiment préparé à faire face au syndrome post-traumatique et il n’existait à l’époque aucune publication médicale susceptible de lui venir en aide. On posait en effet sur les troubles des vétérans toutes sortes de diagnostic : alcoolisme, toxicomanie, dépression, troubles de l’humeur, voire schizophrénie et les traitements qu’on leur infligeait ne faisaient que les abrutir sans vraiment les guérir. Bessel Van der Kolk décida donc de faire ses propres recherches. Grâce à l’aide de nombreux collègues et en soumettant ses malades à toutes sortes de tests, il réussit progressivement à mettre en évidence l’existence du syndrome post-traumatique. Il découvre alors que le traumatisme opère une véritable transformation du cerveau qui ne permet pas au malade de se sentir pleinement vivant. Le corps est lui aussi impacté puisque c’est lui qui ressent toutes les sensations désagréables dues au traumatisme et il recherche alors à tout prix à les neutraliser pour se désensibiliser. En dressant la liste des thérapies susceptibles d’aider les malades et les raisons de leurs bienfaits, on mesure le formidable travail de recherche de Bessel van der Kolk et l’incroyable source d’espoir qu’il représente.

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