Essais

Arthur Frayer-Laleix

Dans la peau d’un migrant

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photo libraire

Chronique de Linda Lompech

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Voici deux titres au cœur d’une actualité brûlante et tragique, qui abordent sans concessions, de manière frontale, la question de l’afflux massif de migrants en Europe et le parcours cruel de ces hommes et femmes fuyant l’horreur.

L’image du petit corps sans vie d’Aylan échoué sur une plage de la côte méditerranéenne hante encore les esprits. Cet enfant syrien fuyant, dans les bras de ses parents, la guerre qui déchire son peuple, a secoué l’opinion. Ce sont des trajectoires de vies similaires, celles de ces millions de migrants qui rejettent l’horreur qu’ils vivent quotidiennement chez eux en convergeant vers un idéal européen souvent illusoire, que racontent les deux ouvrages de Jean-Paul Mari et Arthur Frayer-Laleix. Jeune journaliste indépendant, Arthur Frayer-Laleix n’a pas hésité à risquer sa peau pour nous livrer ce reportage saisissant intitulé Dans la peau d’un migrant. Méthodiquement, il a emprunté le chemin incroyable d’un Pakistanais fuyant les attentats-suicides quotidiens, la peur et l’absence de liberté. Il nous révèle l’existence d’un « cinquième monde », sorte d’organisation parallèle qui évolue en marge de nos sociétés, monde structuré autour du business de clandestins. De Peshawar à Istanbul, en passant par le coffre d’un véhicule de la police bulgare, le journaliste n’hésite pas à dénoncer méthodiquement les multiples failles de la réglementation européenne en matière d’accueil des migrants. Avec le recul de son expérience des zones de conflit, Jean-Paul Mari emprunte un ton désabusé pour dépeindre la situation actuelle des migrants autour de la Mare Nostrum, l’antique Méditerranée, qu’il connaît si bien. Il glace en relatant les propos d’un survivant du naufrage d’une embarcation de fortune à quelques mètres des côtes de Lampedusa. Et il nous donne à voir des visages, il pose des noms et des trajectoires de vie sur les chiffres qui déferlent quotidiennement dans les médias. Aucune lueur d’espoir dans ces deux ouvrages, mais la triste réalité, là, juste sous nos yeux.