Essais

Michael J. Sandel

Ce que l’argent ne saurait acheter

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photo libraire

Chronique de Noémie Vérot

Librairie Rive gauche (Lyon)

Et si on repensait le management à la lumière de l’essai sur le don de Marcel Mauss ? Valoriser le don plutôt que l’argent, semble bien plus efficace et plus proche de ce que nous sommes. L’ère du don est-elle enfin venue ?

Dans La Révolution du don, l’anthropologue Alain Caillé, disciple de Marcel Mauss, et J.-E. Gresy, consultant en entreprise, dévoilent le secret de l’entreprise qui marche. Leur argumentaire prend le contre-pied de la vogue actuelle du néomanagement. Dans cette optique, seule l’entreprise qui applique leur fameux « principe de Mauss » perdure. Il s’agit de la triple obligation de « donner, recevoir, rendre », qui régit les relations humaines à l’aune des principes exposés par Marcel Mauss dans son Essai sur le don (PUF). Nul besoin de transformer ses salariés en esclaves. Au contraire, il faut que les employés, entre eux et avec leur dirigeant, puissent se reconnaître mutuellement, se faire confiance et s’engager les uns envers les autres en acceptant de donner, de recevoir, de rendre et de demander… plutôt que d’exiger, d’écraser ou de profiter. Ce principe du don et du contre-don, informel et invisible, assure la stabilité des relations humaines, c’est de « l’humain pur » qui échappe au marché. Essayer de réduire le contre-don à de l’argent est une grave erreur anthropologique. Pour Michael J. Sandel, dans Ce que l’argent ne saurait acheter, il s’agit de la pire des obscénités. Selon lui, je ne devrais pas avoir le droit d’acheter un droit à polluer, ni un bébé ou un rein. Et je ne devrais pas davantage accepter d’être payé pour donner mon sang, ne plus fumer ou maigrir… D’une façon plus générale, aucune des sphères de la vie privée ne devrait se trouver assimilée au vaste marché global, car non seulement celui-ci corrompt les biens – ce qui est inacceptable quand il s’agit de spécificités humaines –, mais en plus il accroît l’inégalité. Et l’auteur de déboulonner les piliers essentiels de la théorie économique dominante en rappelant cette évidence pourtant élémentaire : l’argent n’est qu’un vulgaire outil de mesure.