Littérature française

Fabienne Betting

Bons baisers de Mesménie

illustration
photo libraire

Chronique de Lucie Sawina

()

Fabienne Betting est née en Moselle en 1962. Elle a déjà été primée dans plusieurs concours de nouvelles et a notamment reçu le prix de la Nouvelle policière de la ville de Dôle en 2007. Bons baisers de Mesménie est son premier roman. Prenez votre sac à dos et embarquez pour ce pittoresque pays.

Bons baisers de Mesménie, c’est avant tout l’histoire de Thomas, looser magnifique qui travaille au McDo, ce qui stresse légèrement sa compagne qui devine en lui de plus ambitieuses potentialités. Sous l’insistance de celle-ci, il feuillette nonchalamment les petites annonces, enfoncé dans son canapé. Jusqu’au jour où, parcourant le 20 minutes local, une annonce lui fait de l’œil : on cherche un traducteur mesméne ! Ça tombe bien, car Thomas doit être un des rares Français à connaître la langue de l’un des plus petits et plus moches (aux dires de Thomas) pays baltes. À partir de là, tout dérape. Thomas se voit confier par un étrange personnage (appartenant sûrement à la mafia) la traduction d’un manuscrit qui ne porte ni titre ni nom d’auteur, mais l’appât du gain étant plus fort que ses a priori, Thomas s’y colle, replongeant dans ses souvenirs de jeune étudiant et invoquant la mémoire de Mali, son hypnotique professeure de mesméne. Le roman m’a fait passer un excellent moment. Je me suis amusée à lire les déboires de Thomas et des autres personnages. C’est drôle, un peu fou, et chacun des protagonistes est attachant.

 

Comment vous est venue l’idée de ce roman ?
Fabienne Betting — L’idée de faire un roman amusant autour d’une erreur de traduction m’est venue d’une façon fulgurante, lors d’une conférence où un Américain a fait un discours assez drôle en anglais, et où son interprète française ne cherchait pas à reproduire ses plaisanteries. L’effet final a été curieux, car les anglophones présents dans la salle riaient, tandis que la partie française du public demeurait silencieuse. Comme je parle suffisamment bien l’anglais, je percevais la différence entre le texte initial et le texte traduit. En outre, j’observais les regards en coin que jetait le conférencier à sa traductrice. Cela m’a amusé et donné envie d’écrire sur le sujet. Le reste est venu ensuite, petit à petit.

Qu’est-ce qui vous a inspiré l’invention de ce pays fictif, la Mesménie ?
F. B. — La Mesménie a été mon premier personnage. J’avais besoin d’une langue. J’ai préféré en inventer une, plutôt que de prendre l’anglais et de tomber dans le travers des jeux de mots déjà connus de tous. Une langue imaginaire étant forcément parlée dans un pays imaginaire, il a bien fallu que j’invente aussi celui-ci. Il existe tellement de beaux pays à travers le monde qu’il m’a paru intéressant de parler, pour une fois du plus vilain des pays ! Quant au nom de « Mesménie », je suis incapable de dire d’où je le tiens. Sa musique, sa sonorité, me sont venues dès les premières lignes.

Saviez-vous jusqu’où vous emmènerait Thomas quand l’écriture a débuté ?
F. B. — J’ai su dès le départ que Thomas visiterait la Mesménie, c’était obligatoire. Par contre, le premier jet du roman s’est élaboré au rythme de mes doigts enfonçant les touches du clavier… et le pauvre Thomas a bien été obligé de suivre. Je savais seulement que je révélerai à la fin de grosses erreurs de traduction. Quand le premier jet a été terminé, en fonction des commentaires de mes proches d’abord, puis de mon agent Gregory Messina, j’ai opéré des modifications importantes, surtout en ce qui concerne le caractère et la psychologie des personnages.

Pouvez-vous me parler de vos personnages : qui sont-ils, Thomas, Mali et les autres ?
F. B. — Au début, dans mon esprit, tous les personnages ne faisaient que servir l’histoire et je n’y faisais pas tellement attention. Ce n’est qu’après une cinquantaine de pages que j’ai commencé à me rendre compte que j’avais pris pour modèle des amis et des gens que j’aimais bien pour composer mes personnages.

Les relations entre Thomas et son éditrice sont très drôles. Vous êtes-vous inspirée de vos relations avec votre éditeur ?
F. B. — Mon éditrice est dix mille fois plus sympathique et compétente que Nathalie. En fait, je ne connaissais rien à l’édition avant l’écriture de ce livre, ni aucun éditeur, ni la moindre éditrice. C’est pour cette raison que j’ai créé un personnage à ce point improbable. Internet autant que la littérature ont été mes sources d’inspiration, la base sur laquelle je me suis appuyée comme une immense mine à pastiche et à satire.

Vous parlez des émissions « Le Masque et la plume » et « Télématin ». Que pensent les chroniqueurs de leurs « interventions papier » ?
F. B. — J’aimerais beaucoup le savoir ! J’ai parodié ces deux émissions car je les regarde et écoute régulièrement. Je suis fascinée par la faculté qu’ont les chroniqueurs de parler avec tant d’animation et d’enthousiasme de sujets si différents. À ma connaissance, aucun d’entre eux n’a encore lu Bons baisers de Mesménie, mais j’espère que certains le liront un jour et que je réussirai à les faire rire un peu.

Avez-vous, comme Thomas, fait l’expérience de la traduction ?
F. B. — Je suis une sous-douée des langues étrangères. Quand j’étais au lycée, je me suis souvent retrouvée dans la même situation que Thomas, à devoir extraire quelques idées cohérentes de textes anglais ou allemands qui me semblaient, pour le moins, nébuleux. Et je crois que, sous la pression de mes professeurs, j’ai dû pondre aussi deux ou trois chefs-d’œuvre de traductions farfelues. Mais à la différence de Thomas, je ne compte pas sur ce contre-talent pour gagner ma vie.