Jeunesse

Philip Le Roy

Blackzone, t. 1

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photo libraire

Chronique de Laurence Le Quilliec

Bibliothèque/Médiathèque Médiathèque Elsa Triolet (Aytré)

Six ados sont regroupés dans un centre expérimental où des instructeurs les forment au métier d’espion. Leur (première ?) mission consiste à infiltrer une île au large de Cannes pour récupérer des données contenues dans l’ordinateur d’un mafieux taïwanais et empêcher une catastrophe écologique planétaire. 


Page : Auteur de thrillers pour adultes, ce livre est votre premier pour un public jeune…


Philip Le Roy : J’ai été contacté par Rageot, qui souhaitait créer une collection de thrillers pour ados s’inspirant de thèmes d’actualité, écrits par des auteurs français et dont l’intrigue se situerait dans l’Hexagone. J’ai été touché par l’enthousiasme de l’éditrice et du directeur de la collection, auteur lui-même.


 

P. : En quoi écrire pour la jeunesse est-il différent ?


P. Le R. : Je m’imaginais qu’écrire pour des enfants générait plus de contraintes, surtout dans le thriller qui suppose des intrigues souvent alambiquées et des scènes plutôt violentes. J’ai privilégié le visuel, les dialogues, l’action et évité les mots trop abscons. Ce qui, finalement, ne change pas fondamentalement ma façon d’écrire. Il ne me restait plus qu’à raconter l’histoire du point de vue des jeunes.


 

P. : Pourquoi n’écrivez-vous que du thriller ?


P. Le R. : Pour moi, c’est le genre qui offre le meilleur vecteur pour faire passer un message, qui me procure aussi la plus grande jouissance et m’apporte le plus de liberté en tant qu’écrivain. Je n’écris rien tant que je n’ai pas défini les personnages principaux, l’axe dramatique et le thème. Quand mes protagonistes ont une ossature claire et suffisamment étoffée, je les confronte à la situation de départ dont j’ai la trame en tête. Ensuite, à eux de jouer ! J’ai une idée de la façon dont tout cela va se terminer, mais je ne fais pas de plan. Car dans la vie, il n’y a pas de plan. Et c’est tant mieux, car si je suis surpris, les lecteurs le seront d’autant plus et l’intrigue n’en sera que plus efficace. Quant au thème, je procède à un important travail d’investigation. Ainsi, les recherches sur le finning (la pêche aux ailerons de requin) que j’ai effectuées pour Blackzone, m’ont mené à d’autres réalités encore plus effroyables.


 

P. : Vous avez créé un drôle de « club des 6 » avec des personnages atypiques, surdoués et handicapés à la fois…


P. Le R. : Les ados adorent les super-héros, ces êtres marginaux possédant à la fois des pouvoirs extraordinaires et des failles qui les rendent vulnérables. Cependant, les super-héros n’existent pas. Alors, j’ai imaginé six jeunes héros marginalisés par la société à cause de lourds handicaps, qui sont transformés, grâce à un psychiatre et à un encadrement paramilitaire sévère. L’opportunité d’aller à contre-courant des idées reçues, c’est très important pour faire un bon thriller. L’ado a souvent une trouille bleue d’être pointé du doigt par les autres, d’être différent, et la société a tendance à enfermer dans des institutions spécialisées ceux qui ne rentrent pas dans la norme. Je voulais aller contre, valoriser une bande de jeunes ostracisés. Tout comme je me plais à démontrer que les requins sont les meilleurs amis de l’homme !


 

P. : Trois filles et trois garçons, de quel personnage vous sentez-vous le plus proche ?


P. Le R. : Avant de commencer l’écriture elle-même, j’ai travaillé mes personnages. Au début, ils n’étaient que cinq. Le sixième s’est peu à peu imposé, en même temps que l’histoire. C’est celui par qui l’action arrive et qui manquait au groupe pour constituer une unité complète. De qui je me sens le plus proche ? Je dirais Laurie. Elle est l’archétype de l’adolescente mal dans sa peau ; ce qui me plaît, c’est qu’elle n’est pas politiquement correcte, elle possède un humour aussi noir que son maquillage, se moque de tout et surtout de la mort, ce qui est sa grande force. J’ai également beaucoup de tendresse pour Diego, cette force de la nature avec sa face de trisomique.


 

P. : Le livre est nourri d’influences (cinéma, musique) ; à quand une adaptation au cinéma ?


P. Le R. : Tout est déjà écrit. Le décor existe. Il se résume principalement à une caserne désaffectée et à l’île Sainte-Marguerite (au large de Cannes). L’adaptation nécessite surtout de procéder à un casting pointu.


 

P. : Une suite est-elle prévue ? Vous n’allez tout de même pas nous laisser sur notre faim !


P. Le R. : Je n’ai pas envie d’écrire une saga dont les tomes seraient à lire selon une chronologie précise. Je préfère proposer plusieurs aventures qui pourraient être lues dans le désordre. Il n’y avait rien de délibéré au départ, mais je me suis attaché à ces six jeunes. J’imagine que les lecteurs ne seront pas insensibles non plus à ces personnages hauts en couleur, à ces fracassés de la vie sur lesquels il y a encore beaucoup à dire. J’ai envie de faire un bout de chemin à leurs côtés. On voit déjà qu’ils évoluent, que des affinités ou des dissensions se créent entre eux. Et puis, des questions 
restent en suspens. Même si les adultes tirent les ficelles, forment, voire formatent ces ados, on sent bien que toute la difficulté pour eux sera de maintenir la petite brigade sous contrôle. Je me réjouis d’avance du fil à retordre que ces six bombes à retardement vont donner, non seulement aux adultes qui les ont « créés », mais surtout à tous ces pollueurs qui laissent derrière eux un monde souillé.