Emma Brosseau

Je suis cet instinct de libraire que nous avons tous, celui qui vous fait sortir LE livre. Cette sensation de victoire, d'avoir transmis le goût pour les livres, on ne s'en lasse pas.

Quel est votre meilleur souvenir de libraire ?

Un après-midi, des collégiens sont venus dépenser des Chèques Lire, offerts par la région. Ils ont vite trouvé ce qu'ils voulaient. Sauf une jeune fille. Pourtant elle a une idée très précise de ce qu'elle veut : des histoires inspirées de faits réels. Pas plus de 50 pages, sinon c’est trop, ça fait peur. Je lui propose des romans courts, pas de coup de cœur. Elle descend au rayon polar, les faits divers, mais trop ambitieux. Elle cherche, en vain. On sent qu'elle a envie de céder à l'appel du livre, de trouver du plaisir dans la lecture. Alors, je sors Et pourtant nous sommes vivants, paru chez Gallimard Jeunesse. Oui il fait plus de 50 pages, il en fait même plus de 300, mais je suis cet instinct de libraire que nous avons tous, celui qui vous fait sortir LE livre. Je la laisse regarder. Elle repart avec, tout sourire. Cette sensation de victoire, d'avoir transmis le goût pour les livres, on ne s'en lasse pas.

 

Êtes-vous plutôt marque-page ou page pliée ?

À une époque, je ne supportais pas d’abîmer mes livres, vraiment aucune tolérance : c'était zéro défaut ou rien. Donc marque-page. Aujourd'hui, j'ai bien changé. J'utilise toujours des marque-pages, enfin marque-page ou ticket de caisse, portable, stylo, oreiller, vraiment la première chose qui me tombe sous la main ! Par contre dès qu'un passage du livre me touche, je corne la page sans aucun état d'âme.

 

Quel livre vous a le plus marqué ?

Je serais bien tentée de répondre Harry Potter parce qu'il a façonné ma jeunesse. En réalité, L'homme qui savait la langue des serpents (Le Tripode) est le livre qui m'a le plus époustouflé. C'est lui que j'emmènerai sur une île déserte, que je relirai tous les 10 ans parce que je sais qu'à chaque fois, il m'apportera quelque chose de différent. Andrus Kivirhäk a ce talent de nous faire croire qu'une forme de magie a bel et bien existé. Et que nous l'avons tout simplement oubliée.